Les 20km de Bruxelles 2019 : récit

Une équipe RUNNINGGEEK.BE, forte de 29 coureurs, était de nouveau au départ des 20km de Bruxelles le 19 mai. Grâce aux excellentes performances de nos cinq premiers coureurs, nous terminons dans le top 100 du classement inter-équipes, 83ème équipe sur 445.

Au-delà des chronos, les 20km restent une épreuve à part dans le paysage belge de la course à pied, de celles qu’il faut avoir couru au moins une fois dans une vie de sportif. Cette année, au sein de l’équipe, Fédora, l’épouse de Quentin, était pour la première fois au départ. Avec les appréhensions, mais aussi les ambitions qui accompagnent toujours une telle expérience. Il nous raconte sa, leur course.

C’est mon rendez-vous annuel ce dimanche, les 20km de Bruxelles … Enfin, cette année, ce sera notre rendez-vous. En effet, Madame est également de la partie pour la première fois.

Une fois n’est pas coutume, je fais des infidélités à mon ami Louis, mon hôte habituel pour mes escapades bruxelloises, et je passerai la nuit à Bruxelles dans ma belle-famille. Les enfants sont casés pour la soirée et la journée de dimanche, nous sommes au calme. C’est suffisamment rare pour en profiter. Mais pas de crack-craquage, pas de petit verre de vin, rien … un petit épisode de Koh Lanta (en replay bien sûr, les vrais savent) et au lit.

Dimanche matin, je reprends la recette de l’année passée, une part de GatoSport (je recommande le caramel beurre salé) vers 8h et de l’eau. Pour se rapprocher du Cinquantenaire et voir les copains, je propose à Fédora de passer chez Louis avant la course. Mon ami Guillaume, qui découvrait également les 20 kilomètres cette année, était également présent. On papote, on plaisante ensemble … Il pleuvine et l’envie d’attendre sous la pluie ne nous pousse pas dehors. On traîne un peu (trop) à l’appart et sur la route. Traverser le parc et rejoindre le box n°1 est un fameux défi. Cela n’avance pas, 9h55 et je suis toujours en train de marcher dans les travées du Cinquantenaire. J’arrive enfin dans le box n°1, sans réel échauffement.

En 2018, j’avais couru en 1h36. Cette année, j’espérais descendre sous 1h30 … tout en rêvant secrètement d’un chrono d’1h28. Mon plan est simple : Suivre les meneurs d’allure « 1h30 » et leur fausser compagnie soit à la sortie du Bois de la Cambre, soit dans la descente à partir du 11ème kilomètre. Hormis l’Avenue de Tervueren (1km à 4% de moyenne) au 18ème kilomètre, la seconde partie du parcours est plus facile pour autant qu’on n’y arrive pas cramé. Je m’y suis suffisamment brulé les ailes pour connaître ma leçon et mon expérience au Brussels Half Marathon l’automne dernier m’a conforté dans l’idée qu’un negative split était largement jouable et la meilleure option pour battre son record sur ce parcours.

PAN

Dans le box, je suis une dizaine de mètres derrière les meneurs d’allure. Visiblement, je ne suis pas le seul à avoir eu la même idée. La Brabançonne, un coup de fusil, un petit coucou au Roi et on avance … tout doucement.

Le départ est toujours calamiteux. D’une vingtaine de mètres de large dans le box, la sortie du parc n’en fait plus que trois. Je suis déjà 100 mètres derrière les meneurs quand je passe la borne. OK … Premier accroc dans mon plan !

Chaque année, la même rengaine, il y a trop de monde. Et même si le box n°1 est réservé aux coureurs visant un bon chrono (avec 1h40 j’étais toujours mis dans le box n°2), je dois zigzaguer pour doubler un nombre incalculable de personnes. De gauche à droite, sur le trottoir, sur les pavés … ça me rend fou et je peste tout au long des premiers hectomètres. C’est pour ça que cette course m’énerve et pourtant, je m’y présente pour la 7ème fois en 8 ans.

Trop de monde – photo : Sportograf

Je fonce. Si je trace comme ça, c’est surtout pour rattraper les meneurs d’allure avant l’enchaînement des 3 tunnels (du 3ème au 5ème KM). Et j’y arrive en tapant les kilomètres 2 et 3, respectivement, en 4’16 » et 4’23 ».

Maintenant, je me fie complètement à eux. Je reste dans leur sillage, que ce soit dans la descente ou la remontée. C’est un bon moyen de ne pas se fatiguer dans les tunnels et de ne pas psychoter. Oui car, comme chaque année à cet endroit, mon GPS déconne totalement, il m’indique des moyennes de 6’15 » voire 7′ au kilomètre … je ne panique pas et me concentre sur mes nouveaux compagnons.

A ma montre, je passe le 5ème kilomètre en 23′ … je suis légèrement en retard malgré les gros efforts consentis sur les 3 premiers kilomètres. La vitesse « instantanée » m’indique toujours des chiffres farfelus alors que la vitesse « sur le circuit en cours » semble plus ou moins cohérente … Comment est-ce possible ? Ce n’est pas le bon moment pour essayer d’y trouver une réponse.

Je me rassure en passant à la banderole « KM 7 ». En fait, ma montre a 200 mètres de retard. Je suis plutôt bien dans les temps. Malgré cela, je lâche les meneurs d’allure à partir de ce kilomètre 7. Ca y est, je suis un fou. Il n’y a officiellement plus de plan.

De toute façon, cela devenait compliqué de rester dans leur sillage avec le monde et j’avais le sentiment qu’ils n’allaient pas assez vite. Puis, je suis relativement confiant en mes capacités. J’ai déjà fait 20km en 1h28 il y a un mois, ça doit pouvoir le faire également à Bruxelles. Je dois pouvoir le faire tout seul. Je continue mon petit bonhomme de chemin. Je dépasse plus qu’on me dépasse. Je ne trouve personne dans mon allure. Pas de visage ou encore moins de dossard connu.

Je passe la mi-course en 44’29 ». Ca sent bon pour le 1h30. Je tiens le rythme dans le faux plat du 11ème … et puis, 2 kilomètres en légère descente. Je lâche les chevaux (4’17 » – 4’15 ») et j’enchaîne sur mon élan avec les 2 kilomètres suivants dans la même allure.

Je me prends un petit gel « placebo » juste avant le ravito du 15ème et je stabilise aux alentours de 4’25 » avant la « fameuse » Avenue de Tervueren. La majorité des coureurs la craigne. On a vraiment l’impression de se jeter dans la gueule du loup. Mais personnellement, je l’attendais de pied ferme. J’avais envie d’avoir encore un peu plus mal. Segment Strava répertorié, j’avais aussi envie de battre mon petit record sur la montée. Cela se passe bien, je remonte quand même pas mal de monde et je pulvérise mon record Strava de … 2 secondes.

Il reste 1500 mètres pour aller chercher les 1h28. On aperçoit les Arcades du Cinquantenaire, le public est nombreux. On profite un peu des encouragements et on donne tout ce qui reste.  J’arrive à repasser sous les 4’15 » pour le finish … et franchis la ligne en 1h 27min 30sec !

Objectif atteint – photo : Sportograf

Objectif atteint …  Une bouteille d’eau, une banane … et je repars ! Et oui, j’ai promis à Madame que je finirai avec elle.

Main dans la main

Fédora partait du Box n°5, 15-20 minutes après moi. Elle visait 2h05 tout en rêvant secrètement (les fameuses confidences sur l’oreiller) de taper les 2h ! (NDLR : elle a commencé à courir il y a un an, via le programme « JCPMF » 0 à 5 KM.)

Je remonte les stands, contourne le public et me remets à courir. Quelle galère, je tourne péniblement en 6’30 ». « Comment vais-je pouvoir l’aider? »

Je lui avais donné rendez-vous au pied de la montée, pour les 3 derniers kilomètres. Je suis là à l’heure. J’attends, je vois des centaines de personnes défiler sous mes yeux, je reconnais certaines personnes … mais toujours pas ma chère et tendre.

Je vois plusieurs meneurs d’allure « 2h » passer, « 2h15 » même … Je commence à m’inquiéter.

« L’ai-je manquée ? Est-elle déjà passée ? Ou alors elle a craqué et est au plus mal ? »

L’idée de rentrer me traverse l’esprit mais je vois toujours des dossards rouges (box n°5) passer, alors j’attends et de toute façon, je n’ai vraiment pas envie de refaire ces 3 kilomètres tout seul.

Et là, qui vois-je ? Elle est là, de l’autre côté de la route, elle ne m’a pas vu. Je traverse, je slalome et évite les autres coureurs pour me mettre devant elle. J’ai un peu peur de la réponse mais je lui demande comment ça va …

« Ça va. J’ai 1h43 à ma montre, ça va être chaud pour aller sous les 2heures avec la montée. »

Pas vraiment persuadé de pouvoir l’aider, je lui réponds « Ca va le faire … Mets-toi derrière, ne parle pas et suis-moi … On peut le faire ! ». Oublié les douleurs et la fatigue, je suis galvanisé et prêt pour l’accompagner. Je suis peut-être encore plus motivé que pour ma course.

Fédora – photo : Sportograf

Elle n’aime pas trop les montées. Je ne peux pas la cramer. Je monte avec la tête tournée de 3/4, un œil devant sur le peloton, un œil derrière sur mon leader. Je vais lui chercher de l’eau au ravito. Elle est encore bien. On ne fait que dépasser dans cette interminable montée. On arrive au panneau 18ème, il reste encore 200-300 mètres de montée.

Elle me dit « 1h49 » … Ca va être tendu. Il faut finir la montée et puis envoyer sur 1500 mètres ne sachant pas vraiment ce qu’elle pourra encore faire après autant de kilomètres. Je suis en mode « Jurgen Klopp« , je lui crie presque dessus. « Ça va le faire, ne lâche rien« .

La route est étroite et il y a énormément de monde. On doit zigzaguer. Elle grimace mais ne lâche pas. J’ai un gros coup d’émotion, je ne sais pas pourquoi. Une petite larme en pleine course !

Je regarde ma montre, on tourne entre 5’10 » et 5’20 ». « Pardon … Laissez passer … Attention ! » je ne suis pas loin de bousculer les gens pour passer. Aucune victime n’est cependant à déplorer.

Inconsciemment, je prends parfois 2 mètres d’avance et continue de lui parler « C’est là, au bout, tu ne lâches plus maintenant. »

Dernier virage, 50 mètres, 20 mètres, c’est fini … 1 heure 59 minutes et 54 secondes !!!

Et de deux, deux objectifs atteints ! Je suis peut-être plus content qu’elle. Elle cherche à récupérer alors que je n’arrête pas de la féliciter.

Et de deux – photo : Sportograf

Avec un passage en 1h02 aux 10 kilomètres, elle signe même un magnifique negative split sur son premier 20km. Il m’a fallu 4 ou 5 participations pour comprendre et y arriver. Les femmes sont sans doute meilleures élèves que nous. Je lui ai répété, à maintes reprises, de ne pas laisser l’émotion l’emporter et de ne pas s’emballer sur les 10 premiers kilomètres. Et elle a appliqué le plan à la perfection. Je suis vraiment content pour elle et assez fier de l’avoir amenée à ce niveau avec mes modestes conseils.

Nul doute que cette aventure en appellera bien d’autres.

Quentin Degryse © RUNNINGGEEK.BE 2019

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