Dernier épisode d’une série de quatre articles consacrés au Marathon de Namur, par Quentin : le récit du grand jour.
Place aux doutes
La dernière semaine, pourtant une semaine de récupération, est éprouvante. Fatigué, j’ai les jambes lourdes et je suis essoufflé pour un rien. Je me pose plein de questions, commence à flipper sérieusement alors que, durant la préparation, j’étais plutôt confiant. Est-ce le résultat d’une grosse préparation ? Le corps a-t-il besoin de décompresser avant d’en découdre ?
Si je compare avec mes deux précédents marathons, il est vrai que la masse de travail est vraiment plus conséquente. Sur les 12 semaines de préparation (schéma plutôt classique), je totalisais à peine 300 kilomètres au compteur en 2015 en guise de préparation pour Valence. Pour Francfort, j’avais emmagasiné 430 kilomètres. Pour Namur, je porte le total à 540 kilomètres en 12 semaines. J’espére évidemment que cela va porter ses fruits.
Marathon J-1
Jean-Jacques et moi quittons Tournai vers 15h. Nous partons rejoindre Jonathan qui nous reçoit chez lui. Ensemble, nous allons découvrir le Village Marathon et récupérer nos dossards et t-shirts. C’est plutôt calme, si ce n’est les organisateurs qui s’activent pour que tout soit prêt pour le lendemain matin. On repère le point de départ et les parkings possibles, histoire de ne pas être pris au dépourvu.

Avec Jean-Jacques – Photo : RUNNINGGEEK.BE
Le soir, nous retrouvons le reste de la troupe, Kais, Cécile et Benoît. Jonathan suit les conseils de Mathilde Hanuise et nous concocte son plat idéal pour une veille de course.
Jour J
Après une nuit relativement bonne, on déjeune tous ensemble. L’ambiance est décontractée. Ça fait du bien de penser à autre chose. Un morceau de Gatosport et une banane, ce sera tout pour le petit-déjeuner.
Direction Jambes ! Nous arrivons bien à l’heure, histoire de ne pas ajouter de stress inutile. La tension monte. 8h55, je quitte les copains et me dirige seul dans les sas de départ. Qu’est-ce que je fais là, tout seul ? Les amis sont là, m’encouragent, me conseillent, me rassurent … j’essaie de faire bonne figure mais je suis bien stressé.
Gun
Neuf heures … Pan ! C’est parti … La route est assez large. Malgré les 1500 participants, ça ne se bouscule pas trop. Je pars tranquille. Dans mon esprit, le plan est clair. L’objectif est de courir en 5’30’’ – 5’35’’ pour ne pas me brûler trop rapidement et ne pas frapper le mur comme à Valence et Francfort. Je suis plutôt bien. Je n’ai qu’à me concentrer sur la course, rien d’autre.

Photo : Sportograf
J’écoute les gens qui papotent, discute parfois avec l’un ou l’autre coureur, continue de tracer mon chemin. Premier ravito … Je suis en queue d’un peloton composé d’une quinzaine de coureurs. Les bénévoles sont débordés. Je dois attendre quelques secondes pour avoir un verre d’eau. Note perso pour les ravitaillements suivants, je laisserai un peu de marge si je suis derrière un petit groupe pour attraper un gobelet facilement et ne pas devoir marcher.
Bord de Meuse
On croise les premiers. Je suis impressionné par leur aisance. Le premier s’est déjà envolé … tandis que Mahia l’abeille est bien placé quelques longueurs plus loin. Ce sera la dernière fois que je les vois avant le podium.
Nous sommes sur le halage. Après le neuvième kilomètre, demi-tour à 180 degrés, on relance. Cette fois, je croise des coureurs plus lents. Soyons honnêtes, cela rassure un peu aussi. Cette première partie est plate, le paysage agréable. Nous avons même droit à quelques gouttes pour nous rafraîchir. Néanmoins, je m’impatiente de quitter ce halage et d’arriver dans le centre-ville de Namur.

Photo : Sportograf
Centre-ville
Dix-septième kilomètre, nous passons sous un pont, tournons à gauche, avant de virer à 180 degrés pour traverser la Meuse sur le pont des Ardennes. Il y a du monde, de la musique, de l’ambiance … ça fait du bien. Depuis le début, nous pouvons compter sur le soutien des supporters. Quand nous passons en petits groupes, ceux-ci nous encouragent personnellement grâce à nos prénoms inscrits sur les dossards.
Plus loin, nous longeons le Parc Louise-Marie et parcourons ensuite la rue de Bruxelles, étonnamment déserte. Pas grave ; j’ai travaillé à 500 mètres de là et je me remémore les bons moments. Les bons sandwichs et autres « crasses » partagées avec mes anciens collègues dans cette rue … Pour le moment, aucune place au doute, je profite, je souris alors que nous retraversons le Pont des Ardennes dans l’autre sens, toujours sous les applaudissements du public.
Semi-marathon
Nous arrivons sur ce qui sera plus tard la dernière ligne droite. Les concurrents du semi en terminent alors que nous repartons pour un autre semi. 1h55, c’est un peu plus rapide que prévu. J’ai peut-être été trop vite. Je me sens encore plutôt bien. Quelque peu euphorique, je remonte quelques concurrents sans faire attention à mon allure.
Je parcours les 5 kilomètres séparant les deux ravitos en 26’30’’, bien plus vite que les 27’30’’ (moyenne 5’30’’) que je m’étais fixé en début de course. Ce genre d’écart peut se payer cash sur un marathon et ça ne tardera pas à se confirmer. J’ai trouvé le premier semi plutôt roulant et j’avais cru comprendre que le dénivelé du deuxième était encore moindre … ERREUR !
Bosses
Après le cinquième ravito, nous tournons à droite et faisons face à une (première) montée qui fait mal aux jambes et me force à ralentir. Le parcours annoncé plat, je me dis que ça devrait être la seule et unique difficulté … ERREUR … Trois kilomètres plus loin, après une portion moins agréable le long des chemins de fer, une deuxième montée (29ème KM). Ça fait mal et le vent contraire n’aide pas. Je dépasse plusieurs participants qui décident de finir cette bosse en marchant.
Une fois en haut, j’essaye de retrouver un bon rythme mais ça devient (déjà) compliqué. Après une légère pluie en début de course, un orage éclate et une bonne averse nous tombe dessus. Ce n’est pas pour me déplaire. Je commençais à avoir chaud. Malheureusement pour nous coureurs, ce sera de courte durée.
Pont de Dave
Au 32ème kilomètre, une troisième et dernière montée. Un bête pont qui ressemble à un col de première catégorie à ce moment-ci du marathon. Les supporters nous rassurent, « c’est la dernière difficulté ».
Le pont franchi, deuxième période d’euphorie. Ça sent très bon les quatre heures. Inconsciemment, j’accélère de nouveau. Je le paierai assez rapidement. Ça devient vraiment compliqué et je m’efforce à continuer à courir. Je ne veux pas marcher, du moins pas avant le prochain ravito que j’attends désespérément.

Photo : Sportograf
Je meurs de soif. Enfin, de l’eau. Je bois un verre, un deuxième et épluche une demi-banane avant de repartir. C’est la première fois que je m’arrête réellement de courir … Ça fait du bien mais maintenant, je dois lutter contre cette envie permanente de vouloir marcher.
Mur de Wépion
Les kilomètres semblent de plus en plus longs. Je n’ai parcouru que 2 kilomètres depuis le dernier ravito et j’ai déjà soif. Un aimable cycliste me file sa gourde. Un peu plus loin, je « rackette » un brave monsieur qui remonte le chemin pour ravitailler sa femme. Je lui pique également une petite gorgée d’eau citronnée. Je regrette qu’à ce moment du marathon, les ravitos ne soient pas plus fréquents.
J’alterne course et marche, mentalement, je commence à flancher. Je vérifie ma montre. 3h27, et il me reste 5 kilomètres. Je deviens pessimiste. « Dans le pire des cas, je mets 7 minutes par kilomètre et ça me ferait encore 3h52, top … Oh le con, ça fait plutôt 4h02 et tu l’aurais dans le … baba (c’était moins poli dans ma tête). » Génial, je panique.
« Où est ce foutu dernier ravito ? »
Je cours, je marche, je craque mon dernier gel bien avant le ravito car j’ai vraiment besoin de quelque chose. Un petit tour dans un parc, toujours à la recherche du point de ravitaillement … Le voilà enfin ! Un grand verre d’eau, un morceau de banane et maintenant, c’est décidé, je ne marche plus !

Photo : Sportograf
On arrive sur le pont éphémère. Ce n’est pas du tout agréable comme sensation. J’ai peur de tomber ou d’attraper une crampe. Nous revoilà du bon côté de la Meuse. Les gens sont là, ils nous encouragent. On remonte sur la rue, on redescend sur le halage pour finalement remonter sur la rue. C’est casse-pattes.
Un dernier check sur la montre, ça va le faire. Une dernière petite rampe de quelques mètres assez raide, il reste un bon 800 mètres. Les supporters nous crient « C’est bon pour les 4 heures. » Encore quelques virages pour arriver sur la dernière ligne droite, la libération. J’aperçois Jonathan qui m’encourage et immortalise ce moment. J’ai tellement mal que je ne prends pas vraiment le temps de profiter, de célébrer cette petite victoire personnelle.
Breaking 4
3 heures, 57 minutes et 29 secondes … Je passe la ligne, au bout de ma vie. J’ai dû prendre un petit coup de chaud dans ce final. Je suis aussi content que fatigué. Kaïs et Cécile me récupèrent, un peu chancelant. Ils s’occupent de tout, eau, morceaux de bananes … bien vite rejoints par Valentine, Rémy, Romain et Jean-Jacques. Tous aux petits soins pour moi ! Je demande à Valentine de prévenir ma femme. Cette fois, l’objectif est atteint. Pas de déception, ni d’amertume … Je suis soulagé et fier !

Photo : Sportograf
Quelques minutes plus tard, je débriefe et j’entrevois la possibilité de faire mieux. On ne se refait pas … Si j’avais mieux géré ma course (et mes émotions), je n’aurais sans doute pas fini aussi cramé et n’aurais pas perdu autant de temps dans les 6-7 derniers kilomètres. Mais voilà, c’est fait, la barrière psychologique des 4 heures est brisée, et j’en avais grandement besoin !
Et le marathon en lui-même ?
Pour une première, les organisateurs peuvent se montrer fiers et satisfaits. Évidemment, il y a des leçons à tirer mais c’est de bon augure pour la suite de l’évènement.
Les satisfactions :
- Parcours agréable (même si pas aussi roulant que vendu) ;
- Gros soutien de la population ;
- Organisation sans accroc.
Les « peut mieux faire » :
- L’eau des ravitos n’a pas laissé un souvenir agréable aux participants ;
- La médaille a fait un peu jaser sur les réseaux sociaux. Je suis persuadé qu’avec les monuments et symboles qui caractérisent la ville, il y aura sans doute moyen de proposer quelque chose de plus personnel et un plus joli souvenir pour les finishers.
- J’ai trouvé les 5 kilomètres entre les derniers ravitos interminables. N’est-il pas possible de proposer des ravitaillements tous les trois kilomètres à partir du 30ème ? Il faisait quand même chaud.
Je finirai ce billet en remerciant l’organisation et les nombreux bénévoles qui ont rendu cela possible. Je pense que, au prix de quelques ajustements, ce marathon a tout pour s’inscrire dans la durée et plaire aux marathoniens.
Merci également à tous ceux qui m’ont soutenu, conseillé, encouragé et supporté durant cette préparation !
A bientôt sur les routes de l’ACRHO !
Quentin Degryse © RUNNINGGEEK.BE 2018
Félicitations ! Toujours un plaisir de vous lire.