Prédire son temps sur marathon

Si vous préparez votre premier 42,195km, vous vous demandez certainement : quel temps viser sur marathon ? L’ingénieur américain Peter Riegel s’est rendu célèbre en publiant en 1977 dans le magazine Runner’s World une formule permettant de prédire le temps de course sur base de la performance sur une autre distance. Réputée pour sa précision en dépit de sa grande simplicité, la formule de Riegel est utilisée par de nombreuses applications et calculateurs qu’on trouve sur le web. Est-elle pour autant adaptée au coureur lambda ?

La formule de Riegel

T2=T1×(D2÷D1)1,06

où :

  • D1 est la distance de référence ;
  • D2 est la distance pour laquelle le chrono est à prédire ;
  • T1 est le temps de référence réalisé sur D1 ;
  • T2 est le temps prédit sur la distance D2.

Ce qui se traduit par : temps sur marathon = (temps sur semi x 2,09) ou (temps sur 10km x 4,61).

Une formule fiable ?

Si vous avez déjà couru un marathon, il suffit d’une calculette pour comparer votre « coefficient multiplicateur » à celui de la formule de Riegel. Alors, vous rangez-vous aux côtés de Dennis Kimetto, Eliud Kipchoge (x 2,08) ou Haile Gebrselassie (x 2,10) ?

Eliud Kipchoge signe un PR officiel de 02:03:05 sur marathon, soit 2,08 x 00:59:25, son record sur semi – photo : Justin Tallis / AFP

Pour notre part, nous sommes assez loin du compte. Nous avons fait l’exercice sur un échantillon de quatre running geeks. Je termine bon dernier de la bande avec un coefficient multiplicateur de 2,46 soit 21,3.

Semi Marathon Coeff.
Rémy 01:22:36 02:58:21 2,16
Kaïs 01:48:37 03:59:10 2,20
Quentin 01:42:26 04:08:40 2,43
Jonathan 01:33:26 03:50:03 2,46

Un problème inhérent à la team ? Pas vraiment. Ian Williams, coureur (coefficient marathon/semi : 2,41) et fondateur de la communauté fetcheveryone.com – sorte de kikourou britannique – a analysé les performances enregistrées par 1.071 membres du site. En réalité, moins de 5% des marathoniens réalisent le temps prédit par la formule de Riegel [1].

Pourquoi cet écart ?

Quand Peter Riegel établit sa formule en 1977, pas de world wide web, encore moins de Strava et de big data. Il se base sur les rares données disponibles, celles des élites, des détenteurs des records du monde, même. Des performances difficilement extrapolables à celles de monsieur-tout-le-monde, surtout depuis le boom populaire du running.

Depuis 2016, Runner’s World a d’ailleurs remplacé la formule de Riegel par un prédicteur de course plus complet [2]. La formule originale reste pourtant largement répandue et continue d’inspirer de nombreux départs trop rapides et désillusions à l’arrivée.

Vers un modèle adapté aux amateurs

Sur base des statistiques de sa communauté, Ian Williams a développé un calculateur où le coefficient multiplicateur du semi au marathon est de 21,15 soit 2,22. De quoi donner aux coureurs un objectif de course plus réaliste, que la moitié atteindra.

Distribution des temps sur marathon

Moins de 5% des coureurs atteignent ou battent le temps prédit par la formule de Riegel – image : fetcheveryone.com

Les femmes sont les meilleures marathoniennes

Williams extrait des données à sa disposition quelques tendances intéressantes, qu’il inclut à sa formule. Par exemple : le genre compte. À temps égal sur semi, les femmes devancent en moyenne les hommes de 4 (semi en 1h30) à 9 minutes (semi en 2 heures) sur marathon. 55,2% des femmes font mieux que le temps prédit par la formule de Williams, contre 48,5% des hommes.

La vitesse aussi. Les coureurs les plus rapides sur semi convertissent le mieux. Le coefficient médian est de 2,14 pour les athlètes qui courent le semi en 1h20, et de 2,28 pour ceux qui le bouclent en 2 heures. Avec toutefois d’importantes variations.

L’importance du kilométrage

Mais on ne prépare pas un marathon comme un semi. Le meilleur facteur prédictif de la performance sur marathon reste le kilométrage parcouru à l’entraînement.

Le graphique ci-dessous montre que les coureurs ayant accumulé le plus de kilomètres à l’entraînement réalisent les meilleurs chronos. Pour passer sous les 3 heures, il vous faudra en moyenne courir 1.287km (800 Miles) durant les 16 semaines qui précèdent la course.

Relation entre chrono sur marathon et kilomètres à l'entraînement

Nombre moyen de kilomètres à l’entraînement selon le chrono – image : fetcheveryone.com

Cet autre graphique montre que les coureurs les plus entraînés sont les meilleurs convertisseurs. Autrement dit : à chrono égal sur semi, les coureurs qui se sont entraînés le plus réalisent le meilleur temps sur marathon.

Relation entre kilomètres à l'entraînement et réalisation des prédictions

Les coureurs qui s’entraînent autant ou plus que la moyenne ont de meilleures chances d’atteindre les prédictions – image : fetcheveryone.com

Les sorties longues ne sont pas la panacée

La sortie longue de 30 kilomètres est un classique lors de la préparation d’un premier marathon. Histoire de se prouver qu’on peut le faire. Et, accessoirement, apprivoiser les sensations d’un effort de longue durée.

Pourtant, les chiffres de Williams tendent à relativiser l’importance des sorties les plus longues. En fait, les statistiques plaident pour la régularité, plutôt que de concentrer le kilométrage sur quelques grosses sorties.

Relation entre pourcentage des sorties longues et coefficient de multiplication

Plus les sorties longues constituent une part importante de l’entraînement, plus grand est le coefficient – image : fetcheveryone.com

Qui veut aller loin, ménage sa monture

Quid des allures d’entraînement ? Les coureurs qui s’entraînent plus lentement que leur allure marathon réalisent de meilleurs chronos. Voilà de l’eau au moulin des partisans de l’endurance fondamentale !

Le bon plan : s’entraîner à une allure inférieure de 50s/Mile (30s/km) à l’allure-cible – image : fetcheveryone.com

De l’affûtage

La plupart des coureurs de l’échantillon réalisent leur plus grosse semaine d’entraînement à quatre semaines de l’échéance, puis réduisent progressivement le volume durant les trois dernières semaines. L’analyse d’Ian Williams ne permet pas de distinguer une tactique d’affûtage qui donnerait de meilleurs résultats sur marathon.

En résumé

Vouloir déterminer un objectif et une allure-cible réalistes est une préoccupation légitime avant de s’attaquer à un marathon. Malheureusement, la formule la plus utilisée s’avère peu pertinente pour le coureur récréatif.

Sur base des chronos et statistiques d’entraînement de plus de mille coureurs amateurs, le blogueur britannique Ian Williams nous livre quelques lignes directrices pour l’entraînement marathon :

  • pour la moitié des coureurs, le temps sur marathon sera plus de 2,22 fois supérieur à celui sur semi-marathon ;
  • les coureurs qui réalisent les meilleurs chronos sont ceux qui s’entraînent le plus ;
  • il est inutile de vouloir « rattraper » un manque d’entraînement par quelques très longues sorties : la régularité est la clé ;
  • un marathon couronné de succès se prépare à une allure nettement inférieure à celle du jour J.

S’entraîner à fond ? C’est du cinéma ! – image : Rocky II

Armé de ces quelques recommandations, rappelons-nous que la formule idéale n’existe pas. Âge, alimentation et hydratation, température ambiante sont autant de paramètres de la performance ignorés par celle de Williams. Qu’importe. Chaque marathon reste une expérience unique. Restons humble et prenons-y un maximum de plaisir !

Jonathan Quique ©RUNNINGGEEK.BE 2018

1. An updated formula for marathon-running success (The Guardian)

2. Here’s a Better Marathon Time Predictor (Runner’s World)

3 réflexions sur “Prédire son temps sur marathon

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