Sourire pour mieux courir

Samedi 6 mai 2017, tôt le matin. Je regarde en direct Breaking2, la tentative de marathon sous les deux heures orchestrée par Nike. L’image marquante du jour ? Ce n’est pas le ballet des meneurs d’allure. Ni les rayons lasers projetés au sol par la Tesla Model S pour indiquer à chaque coureur exactement où se placer. Non, c’est le sourire d’Eliud Kipchoge. Est-il possible de courir à 2:50 min./km —plus de 21 km/h— et d’y prendre du plaisir ?

Eliud Kipchoge durant le marathon Breaking2

Kipchoge durant la tentative Breaking2 – photo : Nike.com

En réalité, ce large sourire ferait partie de la tactique d’une course où rien n’a été laissé au hasard. Une stratégie pour se détendre et supporter la douleur, de l’aveu-même de Kipchoge (1).

Mieux courir avec le sourire

La science s’est récemment intéressée aux effets du sourire durant la course. Une étude nord-irlandaise (2) démontre que le sourire est associé à une meilleure économie de course. Autrement dit : à une consommation d’oxygène inférieure à vitesse donnée.

Pour les besoins de l’étude, 24 sujets entraînés ont couru 4 x 6 minutes à 70% de VMA, avec 2 minutes de récupération entre chaque bloc ; il leur a été demandé tour à tour de  :

  • sourire ;
  • froncer ;
  • détendre les bras et le haut du corps ;
  • courir « normalement » (série témoin).

Tant la consommation d’oxygène que l’effort perçu étaient moindres durant les intervalles effectués en souriant. Au contraire, le froncement augmentait ces deux valeurs.

Conso. d’oxygène selon l’attitude adoptée

Et les chercheurs de proposer de sourire pendant l’effort pour utiliser moins d’énergie. Si l’étude a ses limites (taille de l’échantillon, durée et environnement), la recommandation a le mérite d’être sans aucun risque.

D’autres études en faveur du « run happy »

La recherche sur le sujet n’en est qu’à ses balbutiements. Mais, déjà, un faisceau d’éléments plaide en faveur du « courir joyeux ».

Une étude de l’université de Miami (3) a voulu comparer l’efficacité des encouragements lors d’une session de flexions-extensions du genou sur un appareil isocinétique :

  • « vas-y le plus vite possible » ;
  • « vas-y le plus fort (hard) possible » ;
  • « vas-y le plus vite et le plus fort (hard) possible ».

C’est l’encouragement « as fast as you can » —où la notion de difficulté est absente— qui a eu, de loin, l’impact le plus important sur la performance.

Une autre étude américaine (4) a trouvé un lien fort entre la pratique sportive et la survenue d’événements positifs. Les 179 participants relevaient plus d’interactions sociales et rapportaient avoir accompli plus de choses positives les jours où ils s’étaient entraînés. Un effet prolongé jusqu’au lendemain. Cercle vertueux.

Enfin, et à contrario, une vaste enquête épidémiologique (5) menée sur 12.461 patients dans 52 pays, a montré un lien étonnant entre sport, émotions et santé. Le risque d’infarctus du myocarde est trois fois plus élevé en cas d’exercice physique associé à la colère ou à une forte contrariété.

En conclusion

Grimacer vous rendra l’effort plus pénible. Courir en colère serait même dangereux ! Tandis que sourire pourrait vous faciliter la tâche. Dans le pire des cas, cela vous laissera de plus belles photos-souvenirs. Alors, pourquoi s’en priver ?

Jonathan Quique © RUNNINGGEEK.BE 2017

1. The Epic Untold Story of Nike’s (Almost) Perfect Marathon (Wired)

Cité par : Smiling Makes You a More Efficient Runner (Outside)

2. The effects of facial expression and relaxation cues on movement economy, physiological, and perceptual responses during running (Psychology of Sport and Exercise)

3. Variations in Verbal Encouragement Modify Isokinetic Performance at High Speeds (American College of Sports Medicine)

Cité par :What Should You Yell to Encourage Runners? (Runner’s World)

4. The cascade of positive events: Does exercise on a given day increase the frequency of additional positive events? (Personality and Individual Differences)

Cité par : Pourquoi certaines personnes très sportives ont l’air toujours heureuses (Slate)

5. Physical Activity and Anger or Emotional Upset as Triggers of Acute Myocardial Infarction (Circulation)

Cité par : Risk of heart attack tripled by exercising while angry, study finds (The Guardian)

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