« Le marathon, c’est un sprint de 10km jusqu’à la ligne, précédé d’un échauffement de 32km. » La phrase n’est pas de moi, mais de Kevin Matthews, un blogueur et marathonien australien dont la penderie est garnie de 60 t-shirts de finisher sur marathon ou ultra. Dans un récent article, il livre l’analyse la plus pertinente que j’ai lue depuis longtemps à propos de la distance mythique. En voici l’adaptation française.

Kevin Matthews sous les couleurs de l’Australie – crédit photo : runbkrun.com
Kevin Matthews n’est pas le premier venu. Cinquante ans, 29 marathons courus sous les trois heures, dont une série de 26 en cours. Record personnel 2h44, chrono qui lui a valu la médaille d’argent dans sa catégorie d’âge au World Masters Marathon 2016 à Perth.
32+10
Sur Strava, Kevin Matthews observe ses amis coureurs reproduire inlassablement le même schéma : ils ont travaillé durement pour se préparer aux 32 premiers kilomètres, puis s’effondrent sur les dix derniers. Pour lui, le marathon est la somme de deux courses distinctes, mais d’importance égale.
La première partie est celle où l’entraînement paie ses dividendes. Celui qui a enchaîné les sorties sera la plupart du temps capable de maintenir le tempo sur les 32 premiers kilomètres. Avec une alimentation appropriée et un affûtage adéquat, cela pourrait même être une expérience agréable. Puis vient le mur.
Le mur
On désigne sous ce nom le phénomène de déplétion (épuisement) des réserves de glycogène, et le sentiment de fatigue et de désespoir qui l’accompagne. Le glycogène est un glucide stocké dans nos muscles et notre foie. C’est le carburant le plus facilement utilisable par l’organisme durant l’effort.
Notre autre autre carburant est la graisse corporelle. Nous utilisons en permanence un mix énergétique composé de glucides et de lipides, en proportion variable selon l’intensité de l’effort. Plus l’effort est intense, plus la réserve de glycogène sera sollicitée.
Beaucoup de coureurs épuisent leur stock de glycogène – estimé à une dépense de 1.800 à 2.000 calories – et frappent le mur autour du trentième kilomètre.
Comme ce n’est pas notre unique source d’énergie, l’effort peut encore se poursuivre, mais devient plus difficile. Le métabolisme des graisses est plus complexe et nécessite toujours une petite part de glucides.
L’entraînement, en particulier les sorties longues, nous apprend à utiliser efficacement la filière énergétique des lipides. C’est aussi l’occasion de tester l’alimentation en course, qui nous apporte les glucides rapides nécessaires à la métabolisation des graisses.
Au bout de soixante efforts sur longue distance, Kevin Matthews ne craint plus la rencontre avec le mur. Avec l’expérience et la confiance en son entraînement, il attend même avec impatience la marque des 32 kilomètres. C’est là que commence le sprint pour grappiller des minutes sur son chrono final.
« Le vainqueur du marathon est celui qui ralentit le moins »
Celui qui peut maintenir sa vitesse quand tout le monde autour baisse les bras sera surpris de la manière avec laquelle il remontera le peloton. « Comme dans du beurre. » C’est là qu’entre en jeu une qualité rarement abordée à l’entraînement, le mental.
Il n’existe pas d’application qui nous aiderait à nous forger un mental d’acier. Le mental, c’est cet état d’esprit dans lequel nous devons nous placer à partir du 32ème kilomètre pour accepter d’avoir mal. Car personne, pas mêmes les Kényans de l’élite, ne peut réaliser son meilleur marathon sans se mettre « dans le dur » sur les dix derniers kilomètres. Ces athlètes au top souffrent autant que nous, peut-être plus. Mais ils parviennent sans doute à convaincre leur gouverneur central que tout va bien, et que c’est le moment de se donner à fond.
La théorie du gouverneur central
Le gouverneur central, c’est notre cerveau ; la théorie veut qu’il mette notre corps en veille avant que nous ne nous infligions des dommages sérieux ou irréversibles.
Tim Noakes, médecin, chercheur et marathonien sud-africain, croit que le moment où nous pensons avoir tout donné correspond à un signal envoyé par notre cerveau pour nous intimer de ralentir et préserver notre santé, plutôt qu’à une réalité physiologique.
Les coureurs expérimentent ce phénomène à chaque course, ou presque. Au douzième kilomètre d’un semi-marathon, l’allure-cible devient difficile à supporter. Il semble alors impossible de courir plus vite, même une minute. Pourtant, à 400 mètres de la ligne, c’est le sprint final. Nous sommes capables de relancer à une vitesse bien plus rapide que l’allure-cible.
Au moment où, la ligne d’arrivée en vue, le cerveau réalise que nous ne mourrons pas si nous haussons la cadence, il libère les filières physiologiques pour courir plus vite.
Il ne s’agit pas de nier que la course est physiquement exigeante. La théorie du gouverneur central postule plutôt que courir est un arbitrage entre :
- la préparation physique et les systèmes biologiques ;
- les composantes émotionnelles, comme la tolérance à la douleur et la motivation ;
- l’instinct de conservation.
C’est la combinaison exacte de ces trois facteurs qui détermine la performance.
En conclusion
L’entraînement mène jusqu’au trente-deuxième kilomètre de la course. Point à partir duquel tout devient question de mental. Soi contre soi-même. À nous de persuader le gouverneur central de libérer les ressources restantes pour terminer en force, voire réaliser un negative split. Cela devient plus facile avec l’expérience. À chaque marathon couru sans mourir (sic), le mental apprend et est encouragé à lâcher la bride.
Voici la recette pour aborder les dix derniers kilomètres du marathon avec plus de confiance et d’énergie pour réaliser une meilleure performance. Performance qui, à son tour, persuade le mental que la prochaine fois, nous pouvons encore faire mieux !
Jonathan Quique © RUNNINGGEEK.BE 2017
Source : « A Marathon really is a 10k sprint to the line, with a 32k warm-up » (runbkrun)
Le sprint final me dit bien quelque chose , en petite coureuse de 9-10 à l’h je me suis aventurè sur un 42,195 , dur dur les 10 derniers ou j’ai voulu par moment lâcher … Mais sur 2 ou 3km j’ai réalisé que si j’allais un peu plus vite je bouclais en moins de 5 ….et tout d’un coup la force est venue sans rien comprendre et je suis partie en sprint final alors que mes jambes n’en pouvait plus , pour finir à 4.50 ( Lausanne limite 7h , au départ je m’étais dit que je partais pour 6-7h ) …ouffff pour une 1ere 💪💪
C’est exactement ça ! Même chose au Médoc, où je finis tout de même en 5h38 : dernier kilomètre, j’aperçois mes amis qui marchent quelques centaines de mètres devant moi, bam, d’un coup les jambes refonctionnent et on finit ensemble à 11km/h.