La glorieuse incertitude du sport

En sport, la vérité d’un jour n’est toujours pas celle du lendemain. Vous pensez parfois avoir toutes les cartes en main, tout maîtriser … pourtant, l’objectif vous file entre les doigts. J’ai pu le constater ces derniers jours. En effet, sur deux courses semblables au niveau du kilométrage, j’ai vécu deux expériences totalement différentes. Revenons deux semaines en arrière …

Les 20km de Bruxelles

Si toute la Belgique (ou presque) se réjouissait de cette nouvelle vague de chaleur, bon nombre de coureurs l’ont craint le temps d’une matinée. C’est assez frustrant de préparer cette course durant plusieurs semaines pour entendre finalement les nombreux avis des experts « Soyez prudents, ce climat ne vous permettra pas de battre un record ». Mes envies de record (cette fameuse barre d’1h40 après laquelle je cours depuis quelques années) avaient donc disparu bien avant le coup de feu, elles s’étaient évaporées sous cette chaleur accablante …

Pourtant, j’avais tout fait pour être prêt le Jour-J. J’ai adapté ma préparation par rapport à l’année passée, j’ai perdu du poids, mes résultats sur l’ACRHO étaient meilleurs qu’en 2016 … et surtout, j’avais enfin réussi à passer sous les 5’/km sur un 20km lors de la manche ACRHO de Velaines, ce qui me donnait un petit supplément de confiance avant de m’engager dans les rues de la capitale.

La semaine avant la course, j’ai pris soin d’éviter tout craquage … pas de barbecue, pas d’apéro, pas de bière rafraîchissante alors que le mercure approchait les 30°C depuis plusieurs jours … non, je suis resté sage, très sage, faisant vivre (subir) un véritable carême à mon épouse.

Vu les (trop nombreux) conseils des experts, je m’étais toutefois résolu à viser 1h42, soit mon temps de 2016. Et honnêtement, à 10h00, je ne pouvais pas être plus en confiance.

10h05 : C’est parti pour 20 kilomètres. Le bitume a été rafraîchi par une excellente et salvatrice averse vers 9h30 mais on sentait que le soleil n’allait pas tarder à pointer le bout de son nez. Le peloton s’élance. Evidemment quand 5.000 personnes quittent un box en même temps, c’est assez difficile et pénible de trouver son allure … et il est d’ailleurs utopique de penser pouvoir courir tout droit. Pendant 2-3 kilomètres, il faut zigzaguer pour dépasser. J’ai pris soin de ne pas partir trop vite. L’objectif est de courir en 5’00’’ ou 5’05’’ sur les 10 premiers kilomètres.  En principe, comme le rappelait Jonathan, malgré l’Avenue de Tervuren, le deuxième 10 est plus roulant.

Je passe la borne des 10 kilomètres en 49’59’’ (49’37’’ en 2016). La borne n’est pas vraiment située au 10ème KM – en réalité 9,7km –, allez savoir pourquoi … J’avais retenu ce temps de passage. Et mon retard ne m’inquiète pas outre mesure car j’avais le souvenir d’être parti trop vite l’année passée et d’avoir craqué dans la montée de Tervuren. A ma montre, je passe au 10ème KM en 51 minutes, pile-poil la moitié de mon nouvel objectif (1h42).

J’avais le sentiment d’être bien la course, et pourtant … Quelques hectomètres plus loin, j’attrape un véritable coup de mou. Dès le 14ème KM, l’envie de marcher est déjà présente. C’est tôt, beaucoup trop tôt. Toutefois, je ne marche pas … du moins, pas encore … mais mon rythme ralentit. Je tourne en 5’15’’ … pas nécessaire d’avoir fait maths sup’ pour comprendre qu’à cette allure, je n’arriverai pas à finir en 1h42. Les jambes ne sont plus là, les mollets sont durs, je me sens lourd … Evidemment, ce sentiment ne fera que se renforcer au fur et à mesure que les mètres passent, que les gens me dépassent …

Au pied de la dernière et principale difficulté, l’Avenue de Tervuren, le moral n’y est plus. Je marche une fois, deux fois, trois fois … avant d’en finir avec cette m*** … foutue montée.

Le chrono n’est pas bon, il n’est pas catastrophique non plus. 1h45 … je suis déçu par moi-même, un peu honteux même. Les conditions météo ont permis à plusieurs amis de battre leurs records et moi, je suis passé à travers, encore une fois …

J’ai envie de féliciter tout particulièrement Emilie, Kaïs, Jordan, Damien … pour leur magnifique performance sur les 20 kilomètres … mais je ne me limiterai pas à eux, félicitations à tous les finishers !!!

ACRHO – La Kainoise

Sept jours plus tard, à peine remis de ce relatif échec sur les 20km de Bruxelles, je me présentais à nouveau sur une longue distance. En effet, un semi-marathon était au programme du Challenge ACRHO et, pour cette course, une grande partie de la team RUNNINGGEEK était réunie.

L’objectif était clair : courir, se faire plaisir, immortaliser l’instant par une photo tous ensemble et boire un bon verre avec les copains.

Personnellement, je ne m’étais pas fixé d’objectif chronométrique avant cette course. Je voulais juste profiter et prendre les 500 points bonus pour l’ACRHO. Après Bruxelles, je me suis permis de décompresser un peu, de boire et manger normalement (comprendre « en abondance » pour ceux qui me connaissent). Je me serais largement satisfait d’un chrono d’1h50 (un rien meilleur qu’à Bruxelles), sans en faire une obsession pour autant. Une approche de la course totalement différente en soi …

Nous prenons le départ à cinq. Nous nous étions mis d’accord sur un départ plutôt calme (5’ ou 5’10’’/km) jusqu’au premier photographe et puis, chacun courrait sa course comme il l’entend. Emporté par le peloton et la bonne humeur, la montre affiche une vitesse un rien supérieure à nos intentions initiales.

Stéphanie nous prend en photo au 2ème kilomètre, nous continuons ensemble … avant que Jonathan ne décide de nous fausser compagnie dans la première montée. Nous voilà donc à quatre, nous discutons, nous rigolons … vu le temps que nous passons à parler, j’ai l’impression que je ne pourrai pas tenir ce rythme longtemps, et pourtant …

Crédit photo : Stéphanie Martinache

Les kilomètres passent et nous avançons toujours bon train, dans la bonne humeur. Nous sommes toujours sous les 5’/km malgré les quelques bosses placées sur ce nouveau parcours, plus compliqué mais moins monotone que les éditions précédentes (bravo aux organisateurs).  A partir du 12ème kilomètre, la configuration change quelque peu. Nous perdons des hommes en chemin. D’abord Kaïs, il ralentit (il doit encore assurer le lendemain à Maubray pour le challenge de l’OBJ). Ensuite Jordan qui sort d’une nuit de travail. Je décide de rester avec Rémy … ou plutôt il accepte de rester avec moi.

Avec un triathlon dans les jambes (distance olympique) sur lequel il a encore brillé (78ème/800), Kast n’est là que pour se dégourdir les jambes … et accessoirement aider les copains. Nous partons donc à deux. Nous ne nous posons pas trop de questions et décidons de garder ce rythme jusqu’à la dernière et principale difficulté. La Croix Jubaru fait mal aux jambes, surtout après 16 kilomètres. Je m’accroche à Rémy (pas au sens strict, heureusement pour son dos) et essaye de garder sa roue.

Crédit photo : Cécile Richard

Une fois en haut, je sais qu’il reste 4 kilomètres à descendre. Un rapide coup d’œil sur la montre, je me rends compte qu’il est possible de passer sous les 5’/km. Ni une, ni deux, nous descendons à toute allure (encore une fois, tout est relatif … mais pour moi, ça allait vite). Rémy ne cesse de m’encourager. Nous apercevons plusieurs coureurs devant nous, notamment Jonathan. Bien aidé et encouragé par Rémy, j’atteins une vitesse importante à ce moment de la course (on tourne en 4’25’’ sur les 3 derniers kilomètres).  Il ne reste qu’une mini-difficulté, le pont d’autoroute … Ca peut faire sourire mais, après 20 bornes, ça pique ! Nous reprenons Jonathan et finissons la course tous les trois.

Le verdict est sans appel … 1h42,  4’50’’ de moyenne à la montre (record personnel sur un semi-marathon). J’essaye de contenir ma joie et de ne pas sauter au cou de Rémy !

Analyse

Pas évident de tirer des conclusions après deux expériences à la fois si proches et si différentes. La vérité d’un jour n’est définitivement pas celle du lendemain. Maintenant, reste à savoir ce qui a cloché à Bruxelles … Départ trop prudent, trop de pression, coup de chaud ou tout simplement un jour sans ? Il y a peut-être un peu de tout cela.

Bruxelles est une course particulière. C’est la première course à laquelle j’ai participé, j’y attache beaucoup d’importance, peut-être un peu trop … Au-delà de la déception du chrono déjà évoquée ci-dessus, c’est l’absence de plaisir durant la course qui m’a frappé … pour la 2ème année consécutive. Evidemment, avec un meilleur résultat, je n’aurais peut-être pas tenu les mêmes propos. Mais je ne m’amuse pas sur cette course. D’abord, il faut batailler pour se frayer un chemin, zigzaguer, ralentir à chaque ravito, éviter les bousculades, relancer … Mais surtout, j’ai vraiment l’impression de courir seul. Quel paradoxe quand on sait que c’est la course belge qui draine le plus grand nombre de participants !

Il est vraiment difficile d’avoir des repères. A l’ACRHO, je connais les autres coureurs. Je sais vite voir si je suis bien, si je suis trop lent ou trop rapide, en regardant les gens autour de moi … A Bruxelles, ce n’est pas le cas. Il y a des gens de tous les box autour de vous, des gens qui sont partis 5 minutes après, d’autres 5 minutes avant … difficile de se situer, de trouver des repères, une allure parmi tout ce monde.

Tactiquement, il y a également matière à réfléchir. Suis-je mentalement capable de courir un negative split sur Bruxelles ? J’ai l’impression qu’il m’est plus facile de défendre un avantage que de courir après le score … Le gardien de foot qui sommeille en moi, approuvera ce constat. Savoir que j’ai de l’avance sur la moyenne visée, me semble plus facile à gérer émotionnellement et mentalement. Les connaisseurs du running et nombreux partisans du negative split n’apprécieront pas mais, pour le moment, c’est comme cela que je me sens le plus à l’aise.

Finalement, et c’est le principal, ce semi-marathon m’aura rassuré sur ma condition et sur mon entraînement. Les jours sans, les mauvaises performances … font partie de la vie des sportifs, amateurs comme professionnels. Après une contre-performance, il est important de ne pas s’affoler, de prendre son temps, de l’analyser … et de se servir de cette frustration pour rebondir. L’important n’est pas la chute mais la façon dont vous vous relevez. Si vous courez régulièrement en « compétition », vous connaîtrez forcément des jours sans ou des jours moins bien … Il faut faire avec et ne pas forcer au risque de se blesser ou pire. Votre santé et votre plaisir prévalent sur la compétition, surtout pour nous simples amateurs. Nous ne contrôlons de toute façon pas tous les paramètres. Comme le dit presque l’adage, le corps a ses raisons que la raison ignore.

Quentin Degryse ©RUNNINGGEEK.BE 2017

Une réflexion sur “La glorieuse incertitude du sport

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