Faut-il boycotter Under Armour ?

Récemment, alors que nous discutons des maillots imprimés aux couleurs du blog, une amie m’apprend : « Under Armour ? Leur PDG est un big fan de Trump. » Je ne veux pas faire de ce blog une tribune politique. Mais l’association me contrarie. Je fais la moue, refuse d’y croire : « tu confonds avec New Balance ! » (1) Quelques clics me suffisent toutefois à vérifier l’information et à découvrir la polémique née au début du mois de février.

Les faits

Voici ce qu’a déclaré Kevin Plank, fondateur et PDG d’Under Armour, à propos de Trump, sur le plateau de la chaîne d’info financière CNBC (2) :

Je pense qu’il est très dévoué. Avoir un président si favorable aux affaires est un réel atout pour le pays. Les gens peuvent saisir cette opportunité.

Il veut construire des choses. Il veut prendre des décisions courageuses et être vraiment décisif.

Je suis un grand fan des gens qui fonctionnent selon le mode « annoncer et agir » plutôt que « penser, penser, penser. » Ce sont des choses que je respecte.

Kevin Plank, au centre, à la Maison Blanche en janvier 2017 ; à droite, Elon Musk (SpaceX, Tesla) – crédit photo : Chip Somodevilla / Getty Images

Ces quelques phrases, prononcées à la fin d’un entretien essentiellement consacré à la conduite des affaires d’Under Armour (les prix, la croissance, le marché nord-américain), déclenchent une petite tornade.

Primo, le désaveu du basketteur Stephen Curry, superstar de la NBA sponsorisée par Under Armour. Curry se fend d’une réplique (3) sous la forme d’un jeu de mot difficile à traduire en français :

Kevin Plank said President Donald Trump is an “asset” to the country. I agree with that description if you remove the ‘et’ from asset.

S’il ajoute que voir Plank travailler avec Trump n’est pas un motif de rupture, Curry serait plutôt inquiet si Under Armour embrassait les valeurs de Trump. Il précise : rien ne pourra l’empêcher de quitter le navire si les valeurs de la marque ne sont plus en ligne avec les siennes.

Stephen Curry – crédit photo : Jose Carlos Fajardo / Bay Area News Group

L’acteur Dwayne Johnson, alias The Rock, un temps catcheur et lui aussi ambassadeur d’Under Armour, s’exprime à son tour (4). Il reproche au CEO des mots qui divisent et manquent de perspective.

Les grands leaders inspirent et galvanisent les foules dans les moments difficiles, ils ne mènent pas les gens à la division et la désunion.

Car, en effet, les temps sont durs pour Under Armour. Une semaine plus tôt, l’action dévissait à la suite de l’annonce des résultats du trimestre précédent (5).

Un an de dégringolade pour l’action Under Armour – crédit image : Market Insider

Dans ce contexte, l’analyste financier Sam Poser, cité notamment par Forbes (6) qualifie d’erreur « mauvaise pour le business » la déclaration de Plank. Pour rappel, l’arrêté présidentiel (7) restreignant notamment l’entrée aux États-Unis des ressortissants de sept pays, vient d’être publié. Le climat politique est agité, fortement polarisé. Une partie des clients d’Under Armour pourrait mal accueillir cette prise de position. Cela semble être le cas sur Twitter, où un hashtag #BoycottUnderArmour voit le jour.

Quand une icône comme Stephen Curry se désolidarise des propos du CEO, l’image d’une marque lifestyle cool et urbaine est égratignée. En entachant la réputation d’Under Armour, cette polémique peut, à terme, éroder les ventes.

Acculé, Kevin Plank doit réagir et clarifier sa position. Il le fait la semaine suivante, en publiant une pleine page dans le Baltimore Sun (8), journal de la ville où Under Armour a son siège.

Cliquez pour lire la lettre de Kevin Plank dans le Baltimore Sun (PDF)

Dans cette lettre ouverte, Plank explique qu’il a, durant l’interview télévisée, utilisé des mots qui ne reflétaient pas précisément son intention. Évitant de citer Trump, le communiqué rappelle les valeurs de Kevin Plank et les engagements de la société Under Armour.

Je pense personnellement que l’immigration est le fondement du caractère exceptionnel de notre pays.

Nous nous opposons publiquement au travel ban (…) et nous nous opposerons à toute nouvelle législation qui irait à l’encontre des intérêts des membres de notre équipe ou des droits de l’homme.

Notre équipe est diverse (…) notre diversité est notre force.

Dans sa seconde partie, la lettre résume les initiatives déjà prises par Under Armour en faveur de la communauté en termes d’emploi et d’investissement dans des équipements collectifs.

Alors, faut-il boycotter Under Armour ?

Durant ses mandats, Barack Obama s’est volontiers affiché habillé par Under Armour – crédit photo : Washington Post

Dès le lendemain de l’interview qui allume la mèche, Kevin Plank appelle Stephen Curry pour se distancier de l’attitude de Trump à l’égard des femmes, des Musulmans, des Mexicains, des Afro-Américains, des pauvres, … Il est certes difficile de dissocier l’homme et sa politique économique. Mais Plank l’assure : ses propos portaient sur le business et rien d’autre.

Les valeurs d’une entreprise qui emploie 14.000 personnes à travers le monde se résument-elles à l’opinion exprimée par un seul dirigeant, fut-il le président et fondateur ?

Un boycott doit avoir un objectif ciblé et réaliste. Quel serait cet objectif dans le cas qui nous occupe ?

Chacun tirera les enseignements de cette controverse. Pour ma part, je continue à porter mes vêtements Under Armour.

Jonathan Quique ©RunningGeek.be 2017

1. New Balance Faces Social Media Backlash After Welcoming Trump, The Wall Street Journal

Does New Balance really support Trump? The Guardian

2. Under Armour CEO Kevin Plank on CNBC’s “Fast Money Halftime Report” Today, CNBC

3. Stephen Curry responds to Trump-praising Under Armour boss, The Mercury News

4. @therock sur Instagram

5. Under Armour is crashing more than 20% after whiffing on earnings, Business Insider

6. Kevin Plank’s Trump Praise Leads To A Downgrade For Under Armour Stock, Forbes

7. Executive Order 13769 sur Wikipédia

8. Under Armour CEO Kevin Plank responds to Trump tempest with letter to Baltimore, The Baltimore Sun

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