Remplacer tous ses entraînements par des séances courtes comportant 15 ou 20 minutes d’intervalles et engranger des résultats supérieurs à ceux d’un programme classique, malgré un volume réduit de 50 % ? Voilà l’intéressante promesse de l’entraînement 10 – 20 – 30. Je l’ai essayé pour vous.
Le concept
L’entraînement 10 – 20 – 30 a été conçu par le préparateur physique danois Jens Bangsbo. Bangsbo enseigne la physiologie à l’Université de Copenhague. Doté d’une expertise reconnue dans l’univers du ballon rond, il a fait partie de l’encadrement de la Juventus de Turin et de l’équipe nationale de football du Danemark.

Jens Bangsbo en 2016. Crédit photo : dr.dk © Hanne Kokkegård
L’auteur décrit le 10 – 20 – 30 dans une étude publiée en 2012 au Journal of Applied Physiology (1).
La séance d’entraînement standard consiste en :
1.200 mètres d’échauffement à faible intensité.
Trois ou quatre séries de cinq minutes / cinq fois :
- 30 secondes à >30 % de l’intensité maximale ;
- 20 secondes à >60 % ;
- 10 secondes à >90 %.
Dans cet ordre, avec deux minutes de récupération entre chaque série.
Exemple : votre vitesse maximale, mesurée sur un sprint de 100 mètres couru en 15 sec, est de 24 km/h. Vous trottinez très lentement à 8 km / h durant 30 secondes, accélérez à 14,5 km / h (cela devrait être à peu près votre allure sur 10 km) durant les 20 suivantes et terminez à fond.
Dans l’étude originale, 18 sujets « modérément entraînés » formant un échantillon homogène en termes de VO2 max, performance, âge, poids et IMC sont répartis en deux groupes. Tous les coureurs s’entraînent déjà de deux à quatre fois par semaine, avec un volume hebdomadaire de 27.3 ± 2.8 km et 137.5 ± 13.4 minutes.
Pendant sept semaines, un des groupes s’entraîne exclusivement en 10 – 20 – 30, à raison de trois séances par semaine ; l’autre groupe poursuit son entraînement habituel.
Tous les coureurs subissent une série de tests avant et après la période d’entraînement : 1.500 et 5.000 mètres sur piste, test à l’effort sur tapis, biopsie musculaire et analyse sanguine.
Les résultats les plus remarquables en faveur du groupe 10 – 20 – 30 sont :
- une amélioration de la performance de 6 % sur 1.500 mètres (5.79 ± 0.22 vs 6.16 ± 0.29 min.) et de 4 % sur 5.000 mètres (22.26 ± 0.90 vs 23.07 ± 1.07 min.) ;
- une progression du VO2 max de 4 % ;
- une réduction du cholestérol total et LDL ;
- une baisse de la tension artérielle systolique.

La performance sur 5 km et 1.500 m, avant / après. Crédit image : J Appl Physiol.
Des résultats obtenus alors que ce groupe a réduit de 50 % son volume d’entraînement !
Dans une seconde étude (2, 3), Bangsbo et son équipe obtiennent des résultats similaires au sein d’un groupe plus large : 132 coureurs recrutés dans les clubs de running danois acceptent de substituer deux de leurs séances hebdomadaires par l’entraînement 10 – 20 – 30. Au bout de huit semaines, leur chrono sur 5 kilomètres s’est amélioré de 38 secondes en moyenne.
De quoi m’inciter à mener mes propres tests !
Notre avis
Le 10 – 20 – 30 fait aujourd’hui partie des quelques séances-types programmées sur ma montre. C’est la séance idéale quand « je n’ai pas le temps de m’entraîner » : les différentes allures de course sont travaillées en 30 minutes à peine, échauffement compris, une durée facile à caser dans un journée bien remplie. Le 10 – 20 – 30 peut se courir pendant votre heure de table, par exemple.
J’ai testé le concept plus assidument à deux occasions : durant l’intersaison, après un marathon et alors que le calendrier des courses ne comporte que quelques corridas. Il ressort de ces tests beaucoup de positif.
Les atouts
Le 10 – 20 – 30 peut se courir à peu près n’importe où. Le mieux est d’avoir accès à une piste, mais un parc, un parking ou même une boucle urbaine sans trop de circulation ni piétons peuvent convenir. Libre à vous de faire demi-tour à la fin de chaque séquence : cela permet de partager la séance avec des coureurs de tout niveau. Attention, les 10 secondes doivent se faire à allure très vive, au sprint, il faut donc veiller à choisir un parcours dépourvu d’obstacle dangereux et, de préférence, plat.
Le calcul des intervalles est simple : chaque séquence dure une minute, la série complète, cinq. Une montre suffit, sans être obligatoire pour ceux qui arrivent à compter en courant. Personnellement, mon esprit a tendance à vagabonder quand je cours alors, running geek oblige, j’utilise la fonction d’entraînement de ma Garmin Fēnix 3.
Il existe même des applications dédiées, Run 10-20-30 pour Android, JogRunSprint sous iOS. J’ai testé la première, disponible gratuitement sur le Google Play Store. Le nombre d’intervalles et de séries se règle très facilement grâce aux curseurs. Vous lancez l’activité et un bip vous renseigne les changements d’allure.

L’appli Run 10-20-30 (Android)
Le 10 – 20 – 30 se court essentiellement aux sensations. Pas besoin de cardiofréquencemètre, le cardio n’ayant de toute façon pas le temps de redescendre entre deux intervalles.
Le 10 – 20 – 30 est ludique : les allures sont variées, à la manière d’un fartlek (« jeu de vitesse »). Le format de la séance évite à la lassitude de s’installer. C’est trop court pour abandonner !
Les limites
Bien sûr, le 10 – 20 – 30 n’est pas la panacée.
Vincent d’Harveng, coach chez Start Today, met en garde les joggeurs « non habitués à ce genre d’exercice » du risque de blessures musculaires, tendineuses et articulaires. Jens Bangsbo lui-même recommande progressivité et parcimonie, même si, durant l’étude, le pourcentage de blessures encourues était un peu plus faible dans le groupe 10 – 20 – 30 que dans le groupe de contrôle. Observez un jour de récupération entre deux séances.
Le coureur préparant une épreuve sur une plus longue distance / durée, semi, marathon ou trail long, devra faire appel à d’autres séances pour améliorer son endurance.
Mesurer une vitesse maximale significative et l’atteindre en 10 secondes nécessite une certaine technique, qui ne s’acquiert que par les éducatifs de course. Or, l’efficacité de la méthode réside dans l’intensité de ces 10 secondes.
Dans sa « Bible du running » (4), l’entraîneur Jérôme Sordello propose des variations pour rendre la séance plus complète : de 2 à 4 km d’échauffement, éducatifs (montée de genoux, talons-fesses, course jambes tendues, foulées bondissantes) et jusqu’à sept séries de 10 – 20 – 30 avant un retour au calme. En allongeant la séance et en intégrant les éducatifs, l’endurance et la technique sont aussi travaillées.
En conclusion
L’entraînement 10 – 20 – 30 permet d’améliorer en quelques semaines un des principaux paramètres de performance en course à pied, le VO2 max. Idem pour deux éléments déterminants de la santé cardiovasculaire, la tension artérielle et le taux de cholestérol.
Tout en étant amusant et peu contraignant. Alors, pourquoi s’en priver ?
S’entraîner exclusivement en 10 – 20 – 30 paraît toutefois insuffisant dans le cadre d’une pratique variée, comportant des objectifs au-delà du 10 km sur route.
Jonathan Quique ©RunningGeek.be 2016
Références :
1. Gunnarsson TP, Bangsbo J (2012) The 10-20-30 training concept improves performance and health profile in moderately trained runners, J Appl Physiol. doi:10.1152/japplphysiol.00334.2012
2. Gliemann L, Gunnarsson TP, Hellsten Y, Bangsbo J (2015), 10-20-30 training increases performance and lowers blood pressure and VEGF in runners, Scand J Med Sci Sports. doi:10.1111/sms.12356
3. Reynolds G (2015), A Way to Get Fit and Also Have Fun, The New York Times
4. Sordello J (2015) La bible du running, Ed. Amphora, Paris, pp. 187-189
Waouuuuh quel article…. Vais de ce pas telecharger l’ app…😉…. merci pour tout ces bons conseils Jonathan…