V is for … Valencia

Nous sommes au mois de mars 2015 et nous voilà inscrits au Marathon de Valence. Le chemin semble encore tellement long. Mais la préparation ne sera pas un long fleuve tranquille.

Pendant deux mois entiers, je dois arrêter la course à pied à cause d’une tendinite, ce fameux syndrome de l’essuie-glace bien connu des coureurs. Cela m’inquiète quelque peu. Deux mois d’interruption, c’est énorme et rien ne garantit que la douleur ne reviendra pas. Après quelques séances de kiné et avec de nouvelles semelles correctrices, je recommence à courir vers la fin du mois de mai. Je dois donc être raisonnable et déclarer forfait pour ce qui devait être mes 4ème 20km de Bruxelles consécutifs. Il me reste 5 mois pour me préparer. Au début, je prends mon temps pour retrouver mon niveau mais aussi limiter les chances de rechute. Je suis très prudent.

La préparation pour le Marathon est assez longue et fastidieuse. Heureusement, je peux compter sur le soutien de ma famille mais aussi de mes amis qui m’accompagneront à Valence. Je respecte plus ou moins bien le programme que je m’étais fixé pour les mois d’août et septembre, même si j’ai du mal à sortir trois fois par semaine. Le mois d’octobre, la nuit tombant plus tôt, tout se complique quelque peu. Néanmoins, je m’assure d’accumuler les kilomètres avec quelques sorties longues seul ou en équipe.

C’est le Jour J … On ne peut plus faire machine arrière, ne plus avoir de regret sur la préparation, non, cette fois, il faut y aller. Motivé comme jamais, je suis porté par diverses émotions dès le début de la course. Alors qu’on m’annonçait les larmes pour la fin de course, elles étaient déjà au coin des yeux dès les premiers hectomètres. 2015 n’a pas été facile et j’y ai peut-être pensé un peu trop tôt dans la course … Je pars donc assez rapidement, comme d’habitude.

Mon objectif avoué est de passer sous les 4 heures. Un peu présomptueux, je me dis que je peux partir plus vite pour prendre de l’avance sur la moyenne fixée et que je tiendrai au mental pour la fin de la course. Je pars donc sur une moyenne de 5’20’’. Les premiers kilomètres se passent très bien. Il ne fait pas encore trop chaud. Je profite du moment, du public et du charmant paysage qu’offre cette magnifique ville de Valence. Par contre, je sens que je ne tiendrai pas 4 heures avec la vessie pleine. Serrés comme des sardines dans le box de départ, il était impossible, sauf pour quelques audacieux (Kaïs se reconnaîtra), d’assouvir un besoin naturel. Je décide de m’arrêter au 11ème kilomètre. Naïvement, j’accélère pour rattraper le temps perdu lors de ce pit-stop. Aux environs du 16ème kilomètre, un autre imprévu vient freiner ma course. Mes clés tombent de ma poche pourtant fermée (un mauvais point pour Kalenji). Un coup de chance que je m’en sois rendu compte directement, sinon mes amis et moi aurions pu attendre quelques heures avant de nous doucher. Je fais donc demi-tour, face au troupeau, pour remonter sur une dizaine de mètres et ramasser mes clés. Inquiet, je n’ose pas les remettre dans ma poche arrière, pourtant zippée. Je décide donc de faire les 25 derniers kilomètres avec le trousseau en main. Les kilomètres passent, je me sens bien, je franchis les bornes une à une et pense à mes proches qui me suivent via l’application. Je ne veux pas les décevoir. Je croise également bon nombre de supporters belges et je ne peux m’empêcher de les saluer et de leur montrer mon beau blason noir-jaune-rouge sur la poitrine.  Je ne rate aucun ravitaillement et m’alimente des gels Overstim tous les 5 kilomètres comme indiqué. Je clôture le semi en 1h54. J’ai un peu d’avance comme prévu …

Puis, sans qu’aucun signe ne le laisse présager, j’ai un coup de mou. Je craignais la mythique barre des 30 km et c’est celle des 25 qui viendrait me terrasser … Est-ce possible ? Si tôt dans la course ? Si loin de l’arrivée ?

Je ne panique pas encore … 30 minutes et 34 secondes pour arriver à la borne suivante, celle des 30 kilomètres. Je suis déjà sous les 10 km/h. Je commence à calculer, à me torturer l’esprit « Vais-je pouvoir atteindre mon objectif des 4h ? » … Ça y est, je panique !

Je sais maintenant que je n’y arriverai plus. Plus que les jambes, c’est la tête qui va me lâcher. Moi qui pensais avoir un moral d’acier, je faiblis inexorablement. J’avais sans doute sous-estimé ce qu’était le Marathon. « Marcher ? Non, je ne pense pas. » disais-je encore fièrement quelques jours plus tôt … Et, pourtant, après la borne des 30 kilomètres, je m’arrête. Non, pas définitivement, quand même pas. Je baisse mes bas de compression, desserre quelque peu mes lacets qui me faisaient souffrir et cale précieusement les clés dans un espace vide de ma ceinture.

« Il reste 12 kilomètres à parcourir, ta femme est devant son PC à te suivre, ta famille, tes amis … Tu ne peux pas lâcher »J’essaye de m’auto-convaincre que je peux repartir et je repars, moins vite mais je repars … Mon MP3 choisit ce moment pour passer « Laura » (prénom de ma fille) de Johnny Hallyday. Les forces me reviennent en même temps que quelques larmes … mais l’émotion sera de courte durée. Mon MP3 tombe en rade, plus de batterie … comme moi.

Le sort s’acharne … C’était mon dernier compagnon. Je me sens seul alors que des centaines, des milliers de personnes sont autour de moi … Je remarche … Les Animo et Venga venus de la foule n’ont plus d’effet sur moi … Pis, ils commencent à m’énerver. Je m’efforce de relancer la machine mais je m’arrêterai encore plusieurs fois. J’ai totalement laissé tomber l’idée de faire un chrono correct, je veux juste en finir. Les ravitaillements semblent de plus en plus éloignés les uns des autres, je me jette sur les bouteilles de Powerade, les bois jusqu’à la dernière goutte.

Quand nous approchons enfin de la Cité des Arts et des Sciences, je retrouve bizarrement quelques forces. Je reprends un rythme correct. Fâché sur moi-même, déçu, je donne tout ce qu’il me reste pour dépasser quelques personnes dans la dernière ligne droite … J’en oublie même de sourire et de célébrer mon arrivée.

A l'arrivée

A l’arrivée

4h14 … Elle est faite ! Le sentiment est mitigé, entre la fierté de l’avoir fini et la déception du chrono. Rapidement, je rejoins mes compagnons, amis … On débriefe notre course autour de quelques rafraichissements. Dans ma tête, je refais la course et reste persuadé que je peux clairement faire mieux. Je tire rapidement mes leçons. Ma préparation n’a pas été suffisamment sérieuse et poussée, mon alimentation n’a pas été idéale et ma gestion de la course a été aussi présomptueuse que maladroite. Cette première (car elle en appellera d’autres) expérience sur la distance me laissera quand même de très bons souvenirs et me sera certainement très utile pour mes prochains objectifs.

Quentin Degryse ©RunningGeek.be 2015

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