Marathon de Valence 2015

Valence est la troisième ville d’Espagne. C’est un important port de marchandises ouvert sur la Méditerranée. La rivière Túria qui traversait la ville a été déviée dans les années 1960 pour mettre fin à des crues dévastatrices. Son ancien lit accueille désormais un magnifique parc, paradis des coureurs. À son extrémité, la coulée verte abrite la Cité des Arts et des Sciences, un joyau architectural. J’ai choisi ce décor pour courir mon premier marathon, accompagné de trois amis. Récit.

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La team à la Cité des Arts et des Sciences.

Dimanche 15 novembre 2015. Dans la salle à manger de l’hôtel NH Las Ciencias, ouverte dès 6 heures pour le petit déjeuner, rien que des coureurs. Des Italiens, des Français marqués par les événements de l’avant-veille, quelques Belges aussi. Mes voisins de table viennent d’Ottignies. On discute un peu mais l’ambiance est à la concentration.

Retour à la chambre pour un dernier check avant de rejoindre les copains, logés dans l’immeuble d’à côté. Chaussures, chaussettes, pâtes de fruit : un dernier contrôle pour la forme. Car aujourd’hui sera l’aboutissement de neuf mois de préparation. Neuf mois durant lesquels j’ai eu l’occasion de tout tester, tout prévoir, ou presque. Au-delà du trente-deuxième kilomètre (distance la plus longue parcourue à l’entraînement), j’entrerai dans l’inconnu. Le trac des jours précédant le marathon a toutefois fait place à une grande impatience : « il n’y a plus qu’à … »

Je sors de l’hôtel. Signe d’une impatience partagée, Kaïs, Quentin, Rémy, les copains Running Geeks sont déjà là. C’est pas que je doute de leur ponctualité, mais … On pose avec le drapeau belge. Un photographe accrédité capture l’instant. Vu le contre-jour, peu de chance que la photo soit publiée. On se dit qu’il a voulu nous faire plaisir.

On se dirige vers les boxes. Il fait déjà doux, je me débarrasse rapidement de la cape / sac poubelle dont je m’étais équipé. Box orange pour les trois néophytes, seul Rémy, quatre marathons dont un Ironman au compteur, partira du box bleu, six minutes avant nous.

Une minute de silence est observée en mémoire des victimes des attentats de Paris. Moment d’intense recueillement pour les 25.000 coureurs (16.700 participants sur le marathon, le reste sur les 10K), suivi d’applaudissements nourris.

Le départ est donné sans cohue. On traverse le pont de Monteolivete au petit trot en faisant signe aux photographes.

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C’est parti ! – crédit photo : Levante EMV – Miguel Angel Montesinos

Je me sépare rapidement des amis partis du box orange pour me caler à peu près à l’allure-cible de 5 minutes par kilomètre.

La route est plus large qu’à Amsterdam et le peloton se disperse rapidement pour dévoiler une ligne bleue dessinée au sol. Tracée par les officiels, elle matérialise la trajectoire la plus courte possible, soit la distance pile du marathon. Je ne m’en écarterai guère jusqu’à l’arrivée.

La première partie du parcours longe la mer avant de s’attarder sur les longues avenues du quartier universitaire, parcourues dans un sens puis dans l’autre. C’est roulant et l’allure marathon, à 75% de la VMA, est confortable pour le cardio. Je ne succombe pas à la tentation coupable d’accélérer mais je voudrais discuter pour passer le temps. Las, la plupart des coureurs autour de moi sont dans leur course. En fait, peu de concurrents semblent s’être réglés à la même allure que moi. Les visages, ou plutôt les dos qui m’entourent, se renouvèlent au gré des foulées. Je dépasse beaucoup, suis dépassé un peu.

Heureusement, le public répond présent, lit nos prénoms sur les dossards, encourage : ¡Ànimo! Yonatán … Aux côtés des spectateurs, tout le long du parcours : des groupes folkloriques, des percussionnistes, pour un total impressionnant de 106 animations répertoriées. À un endroit, la sono diffuse Runnin’ de Naughty Boy, avec la voix de Beyoncé : c’est juste parfait.

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A la mi-course. Même pas mal !

Je franchis la marque du semi-marathon une heure et 48 minutes après être passé sur le tapis de départ ; loin de mon record mais à l’aise, j’espère toujours réaliser le negative split.

Le tracé nous ramène vers le centre-ville. Les immeubles autour de nous s’élèvent, apportant ombre et fraîcheur bienvenues alors que la température porte déjà vers les 20 degrés.

Vingt-huitième kilomètre, des changements discrets s’opèrent. Une gêne dans le mollet dont on prie qu’elle ne deviendra pas une crampe. La rotule gauche qui envoie des signaux de douleur inhabituels, sans doute fatiguée des impacts à 172 pas par minute. Même les 83 grammes de la Garmin fēnix® 3 se font sentir.

Je commence à goûter ce qui fait du marathon une discipline à part. C’est une course d’attente, où les deux tiers ne sont que prétexte, avant une finale parfois douloureuse.

Je vois de plus en plus de coureurs marcher ou s’arrêter sur le bord de la route pour s’étirer. Une brigade mobile applique du spray anti-douleur sur les jambes endolories, fournit de la vaseline pour soulager les plis corporels irrités.

Pour moi, la vraie course débute au trente-quatrième kilomètre, alors qu’une longue ligne droite nous amène à la lisière de la ville. À mon tour, je me sens ralentir, inexorablement. Pas de grosse fringale, brutale, qui m’aurait laissé à la dérive, comme ce fut le cas sur d’autres courses heureusement plus courtes. Mais une vitesse toujours plus basse à effort pourtant constant. Je maintiens difficilement les 10 kilomètres par heure.

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J’ai perdu de mon aisance …

Depuis le départ, les ravitaillements, disposés tous les cinq kilomètres, rythment ma course. À leur approche, je mâchonne la moitié d’une pâte de fruit, avant de prendre quelques gorgées d’eau. Alors que la lucidité m’abandonne, ils deviennent de véritables oasis dans le désert. Les derniers se font cruellement attendre.

Une fois arrivé à hauteur des tables, je me gave des abricots secs tendus par les volontaires. J’avale un demi gobelet de Powerade en deux gorgées, comme si c’était la meilleure chose au monde. Au fond de moi, j’espère y retrouver de l’énergie mais, à ce stade, je sais que l’apport énergétique sera vite consommé. Mes réserves de glycogène sont épuisées, mon corps doit maintenant puiser ses ressources dans mon capital graisseux. Une conversion bien plus exigeante pour l’organisme, même si les sorties longues ou à jeun permettent d’exercer ce métabolisme.

La marque du trente-huitième kilomètre a un côté rassurant : plus qu’une demi-heure (sic) à tenir. Nous sommes revenus au centre-ville, la foule au bord de la route est très dense. Un policier aide une vielle dame à traverser devant le peloton. A-t-elle seulement quelque chose à craindre de notre troupeau de zombies évoluant au ralenti ? À côté de moi, un coureur se fait tracter par son frère en s’accrochant à une ceinture cardio tenue en boucle, comme un chien qu’on tire au bout de sa laisse.

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Aux arènes. Malgré les sourires, on en bave tous.

Heureusement, d’autres ont mieux géré leur effort. Des coureurs que j’avais dépassés au début de la course me remontent et me laissent loin derrière. Eux n’ont pas rencontré le mur.

Quarantième : une dernière ligne droite nous ramène à la Cité des Arts et des Sciences. Ceux qui le peuvent accélèrent. Moi je n’ose pas : je pense juste à franchir cette ligne qui, un pas après l’autre, se rapproche.

Je foule le tapis bleu tendu au-dessus du plan d’eau du Musée des Sciences. J’ai pensé à enlever ma casquette pour la photo finish mais j’oublie de courir. Je passe la ligne en marchant pour savourer l’instant. Finisher.

On ne m’a pas encore passé la médaille au cou qu’une journaliste de la radio m’agrippe par la manche. Après la télévision aux 20 Kilomètres de Bruxelles, je commence à être abonné aux interviews à chaud. Je remercie les Valenciens pour leurs encouragements nourris et salue l’organisation, impeccable de bout en bout.

Un rapide passage à l’hôtel pour récupérer mon smartphone et l’application officielle du Maratón Valencia m’informe que toute la team a terminé le marathon sans casse. C’est le moment de se retrouver pour fêter ça ensemble !

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Finishers.

En fin d’après-midi, nous organisons un « pot des Belges » pour réunir une petite partie de nos compatriotes présents à Valence. Avec 516 inscrits sur le marathon et 86 coureurs sur le 10 kilomètres, la Belgique est le deuxième pays étranger le plus représenté, derrière l’Italie et devant la France. Finalement, nous sommes plus de soixante pour une belle soirée d’après-marathon. Merci à tous !

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Le pot des Belges ne fait alors que commencer …

Plusieurs nous disent que c’est à refaire. Comptez sur nous. Mais pour ça, il faudra … recourir un marathon 🙂

Jonathan Quique ©RunningGeek.be 2015

2 réflexions sur “Marathon de Valence 2015

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