Récit : Mizuno Amsterdam Halve Marathon

Dimanche 18 octobre : à quatre semaines du marathon de Valence, mon plan d’entraînement prévoit que je courre un semi. Les coaches m’ont suggéré le semi–marathon de Linkeroever, sur la rive gauche de l’Escaut à Anvers. Finalement, je courrai un peu plus au Nord, à Amsterdam. Récit.

Deux écoles coexistent en matière de semi ‘test’ couru à l’approche d’un marathon : certains entraîneurs préconisent d’y respecter l’allure ciblée pour le marathon, d’autres autorisent leurs coureurs à le faire à bloc. Mon coach Marc m’ayant réservé une semaine light avant cette course, j’entérine la seconde approche, sans vraiment prendre la peine de vérifier auprès du principal intéressé … Une fois la ligne de départ franchie, j’ai de toute façon beaucoup de mal à ne pas lâcher les chevaux. J’espère aussi améliorer le temps réalisé sur le semi de Nivelles (1:34:56), où le parcours n’est pas propice à un record personnel.

Une semaine avant, alors que je me prépare à aller courir du côté d’Anvers, j’ai l’opportunité de récupérer le dossard d’un ami qui déclare forfait pour Amsterdam. L’organisation autorise le transfert des dossards jusqu’à la veille, mon nom pourra donc même apparaître dans les résultats.

Je n’hésite pas longtemps : j’ai un temps envisagé Amsterdam comme destination de mon premier marathon, je sais que le tracé est plat comme la main et l’organisation irréprochable. Le semi s’élance à 13h20, l’horaire n’est pas commun, mais permet l’aller / retour dans la journée.

J’hérite donc du dossard 35.058 et du box de départ qui va avec, la vague jaune ; réservée aux coureurs qui visent un temps entre 1 heure 50 et 2 heures, elle s’élancera 18 minutes après les élites.

Dossard pour le Semi d'Amsterdam : transféré !

Dossard pour le Semi d’Amsterdam : transféré !

Vendredi soir, je décide d’arriver la veille aux Pays-Bas, ce qui m’épargne un lever aux aurores. À la recherche d’un hébergement en dernière minute à moins de 100 euros la nuit, AirBnb est mon ami. Si rien ne me séduit dans les rares biens encore disponibles à Amsterdam, je m’aperçois que la toute proche Utrecht (27 minutes en train) offre encore de nombreuses possibilités à moindre prix.

J’opte pour une cabine dans la péniche-hôtel de Theunis et Margreet, bateliers sédentarisés après avoir organisé des croisières pour cyclotouristes pendant de nombreuses années. Ahoy, c’est le nom du bateau, offre tout ce qu’on peut attendre d’une péniche hollandaise : propre, pratique, sans fioritures.

Arrivé sur place le samedi en fin d’après-midi, je dépose mon sac, fais la connaissance des charmants propriétaires et pars à la découverte de la ville avant la tombée du soir. Utrecht, 320.000 habitants, est la quatrième ville des Pays-Bas. C’est un centre universitaire, commercial et ferroviaire en plein essor. De grands travaux d’infrastructures sont en cours dans le quartier de la gare, rendant difficile l’accès au centre historique dont les canaux évoquent ceux d’Amsterdam, le monde et les vitrines en moins.

Je marche un peu plus que prévu et nous sommes tout de même à la veille d’une course. J’abandonne les restos végétariens dont j’avais noté l’adresse (trop loin) et opte pour un restaurant indien du centre-ville. Je trahis finalement mes bonnes intentions diététiques en craquant pour une grosse bière indienne et pour le Royal Tandoori Mix Grill — A mouthwatering combination of tandoori murgh, chicken tikka, Seekh kebab and bottie kebab. No comment 🙂

Dimanche matin. Après une bonne nuit sur la péniche, un impeccable petit déjeuner dressé par les hôtes m’attend. J’opte pour une tartine de pain complet, beurre de cacahuète, confiture et un bol de muesli au yaourt. J’emporte une banane pour la route.

Un bon petit déjeuner avant la course - crédit photo : RunningGeek.be

Un bon petit déjeuner avant la course – crédit photo : RunningGeek.be

Après un court trajet en train entre les deux plus grosses gares du pays, je prends la direction des Sporthallenzuid d’Amsterdam qui accueillent le quartier général du marathon, l’expo et le retrait des dossards.

Au départ de la gare centrale d’Amsterdam, le tram 16 me dépose Haarlemmermeerstation, à un kilomètre du stade olympique où se juge l’arrivée du marathon. J’arrive pile à temps pour voir voir Bernard Kipyego passer sous la flamme rouge, en route vers un deuxième sacre, en 2:06:19.

Bernard Kipyego en route vers la victoire - crédit photo : RunningGeek.be

Bernard Kipyego en route vers la victoire – crédit photo : RunningGeek.be

Une légère pluie fait briller le pavé, 10°C. Je ne m’attarde pas dehors. Les couloirs des Sporthallenzuid grouillent déjà de coureurs prêts pour le semi, bientôt rejoints par les finishers rapides du marathon.

Je retire mon « starter pack » qui contient le dossard, toujours au nom de l’ami qui me l’a transmis, et un goodie Safe-ID : l’objet consiste en une plaquette à caler dans ses lacets, sur laquelle est imprimé un QR-code que l’utilisateur peut lier à une fiche personnelle reprenant son identification et des données de santé. L’idée est de permettre aux secouristes de scanner ce code en cas d’accident.

Je laisse mon sac à la consigne puis, empapilloté dans ma couverture de survie, côté doré vers l’extérieur pour conserver la chaleur du corps (note à l’attention de ceux qui semblaient l’ignorer ce matin-là), je me dirige vers les boxes de départ.

Une brigade de volontaires contrôle l’accès à chaque vague. Je joue la carte de la transparence en expliquant à la dame que j’ai transféré le numéro de dossard d’un autre coureur et que j’aimerais, si c’est possible, partir d’une vague précédente. Elle me dit derechef que ce me sera refusé si je pose la question, mais que je peux grimper par-dessus les barrières. Mouais, je suis un coureur discipliné, pas fan de ce genre d’incartade 😉

Je pars en repérage à l’avant, observe le bandeau de couleur présent sous les numéros de dossard ; pas de resquilleurs en vue, chacun semble s’être rangé dans le box qui lui était destiné. Je vais donc sagement me ranger à l’avant de la vague jaune. La moyenne d’âge des coureurs autour de moi, surtout des coureuses d’ailleurs, est assez jeune. On entend parler français : des compatriotes belges, sans doute, mais aussi beaucoup de Français du Nord, venus en presque voisins. Comme Nadia, blogueuse présente ce jour-là, je remarque cependant que l’ambiance est sérieuse, avec très peu de déguisés. Les gens sont là pour le sport et rien d’autre.

L’heure du départ approche et j’ai un doute. Et si je n’avais pas assez mangé la veille et au petit déjeuner ? Je mâchonne un bout de pâte de fruit, alimentation que j’ai décidé de tester en course pour remplacer les gels énergétiques, peut-être à l’origine de mes crampes.

Les barrières s’écartent et notre vague est autorisée à gagner le box précédent, couleur bleue. J’aperçois une banane, intacte, abandonnée par un concurrent déjà parti. Encore incertain quant à mes réserves caloriques, je laisse de côté mes réticences à manger un fruit trouvé pour enfourner ce cadeau du ciel.

On se débarrasse des ponchos, sacs poubelles et couvertures dans les containers disposés par l’organisation. Certains y laissent carrément des survêtements de marque en très bon état et je me dis que ceux-ci pourraient être récupérés par les organisateurs pour habiller les plus démunis ou équiper des jeunes sportifs issus d’un milieu défavorisé.

C’est parti. J’ai décidé de démarrer doucement et tant mieux, car je n’ai pas vraiment le choix … Le parcours a beau emprunter de grands axes, le peloton ne dispose pas de toute la largeur de la route et il y a du monde, les 18.500 dossards disponibles ayant trouvé preneur.

Je ronge mon frein et me retiens de forcer le passage entre les coureurs plus lents qui, eux, d’ailleurs, sont tout à fait à leur place. L’expérience des 20 kilomètres de Paris 2014, où je m’étais cramé de la sorte, m’incite à prendre mon mal en patience.

Un parcours (bleu pour le semi) assez loin des attractions de la ville

Un parcours (bleu pour le semi) assez loin des attractions de la ville – cliquer pour agrandir

Rester calme, au moins jusqu’à la sortie de la ville, au quatrième kilomètre, quand le tracé rejoint des quartiers périphériques au doux noms comme De Omval (la chute ?) ou Betondorp (littéralement le « village de béton », tout un programme). Las. Il y a vraiment du monde et, même sur cette partie du parcours où les spectateurs ne se massent pas au bord de la route, j’ai du mal à courir à la corde. Je peste et, c’est dommage, je ne profite pas tout à fait de ma course.

J’ai déjà arrêté de regarder ma montre quand vient la délivrance, au neuvième kilomètre, sous la forme d’une main posée sur mon épaule. « Sorry » ; un coureur aux gros mollets, appelons-le Jasper, se fraie un passage sans craindre de demander pardon. L’occasion est trop belle : je prends le sillage de ce poisson–pilote inespéré.

Avec l’aide de « Jasper » donc, je  m’extirpe de la masse et accélère enfin … Mon temps au kilomètre se stabilise autour de 4′20, une allure plus conforme à mes ambitions. Je cours les kilomètres 10 à 15 en 1′20 de moins que les 5 premiers, les jambes tournent bien et, à défaut de record personnel, je réaliserai un beau negative split (se dit d’une course dont la seconde partie est courue plus rapidement que la première).

Je commence à prendre du plaisir et remarque seulement les animations musicales, pourtant bien présentes depuis le début de la course. Il y a du bon — camion DJ et boum-boum à la Tiësto — et du moins bon — un autre DJ balance des fumigènes sur la route !

Dix-huitième kilomètre, à l’entrée du Vondelpark, mes lacets sont des fées … Tant pis, je perdrai plus de temps à m’arrêter pour les boucler que de continuer comme ça. Jasper en profite pour filer.

Deux kilomètres de l'arrivée, mes lacets sont des fées ...

Deux kilomètres de l’arrivée, mes lacets sont des fées …

Le parcours est désormais commun à toutes les distances et parmi les coureurs, certains finissent leur marathon en 5 heures 30. J’ose quelques encouragements, en pensant tout de même à quel point ça doit être dur …

Ça y est, on entre dans le stade olympique. Le contact avec la piste agit comme un stimulus et je sprinte, sans penser à savourer l’instant. Jasper, qui avait bien remarqué mon petit manège durant la course et finit non loin devant, m’attend pour me taper dans la main.

La montre affiche 21,34 km et 1:35:19. Pas de record, je suis déçu, mais après quelques heures de bouderie et un gros hamburger en gare de Rotterdam, sur le chemin du retour, je relativise.

Je termine finalement 937ème sur 14.017 classés, avec un temps net de 1:35:17. Le chrono est moins bon que celui Nivelles, sur un parcours pourtant plat comme la main, avec peu de relances. Mais j’aurais certainement pu courir la distance en 2 ou 3 minutes de moins en partant avec une vague plus rapide.

Finisher ... Encore heureux !

Finisher … Encore heureux !

Pas de regret, ne retenons que le positif. Plus de contractures aux mollets pendant la course. Basta les gels énergisants. Je pense avoir trouvé dans les pâtes de fruit la solution de remplacement idéale. Pas de fatigue excessive non plus : j’enchaîne avec une bonne grosse semaine d’entraînement. À moins d’un mois du marathon, la forme est là 🙂

Jonathan Quique ©RunningGeek.be 2015

2 réflexions sur “Récit : Mizuno Amsterdam Halve Marathon

  1. Tu continues à m’épater mon vieil ami !!! De par ta plume mais aussi par cette ascension fulgurante de ton niveau en CAP ! Sois fier de toi ! Dans quelques années, tu vas exploser ton temps de quelques minutes, j’en suis convaincu !
    Je te dis à demain pour notre sortie longue (trop longue) de 32km…

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