Lundi soir, les mollets encore meurtris, je ne suis pas allé courir. C’est le moment de relater ma course du week-end. J’étais en province de Liège pour les Crêtes de Spa, une des plus vieilles courses hors-stade de Belgique (38ème édition). Un des gros rendez-vous « course à pied » du pays aussi, avec 4.000 participants alignés sur les différentes distances. J’ai participé aux 21 km (en réalité 20.3), l’épreuve-reine qui figurait également au challenge interne du GaG.
Je prends la route de Verviers dès le vendredi soir pour rejoindre les amis qui m’y offrent l’hospitalité. Et de quelle manière … Me voilà accueilli comme un prince chez les amis de mes amis. Le repas, un délicieux magret de canard aux grenailles et haricots, est bien arrosé. Paix-Dieu, Châteauneuf du Pape, limoncello maison, … À petites doses, je vous rassure, mais il faut goûter à tout, c’est la tradition ! Je ne me fais pas trop prier, après tout je suis invité. Puis, je me suis fixé un objectif qui me semble alors tout à fait accessible, même après une telle soirée.
En réalité, je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre. J’ai bien entendu parler de la fameuse piste de ski alpin dont l’ascension est chronométrée. J’ai aussi réalisé au cours de la semaine qu’il me faudrait tout de même gravir 600 mètres de dénivelé mais, à défaut d’expérience sur ce type de parcours, la difficulté reste pour moi tout à fait abstraite. Histoire de déterminer mon objectif, je repère dans le classement 2014 quelques coureurs de mon niveau que j’ai côtoyés sur les routes de l’ACRHO ou du BW. Tous ont terminé dans la fourchette 1h48 – 2h05. Je décide alors que boucler les Crêtes en moins de 2 heures devrait être à ma portée.
Retour à la soirée du vendredi. Après avoir tout de même veillé à me resservir en patates entre deux dégustations improvisées, vient le moment de m’éclipser. L’ami qui m’héberge est Samuel Duquenne, triathlète chevronné, 132ème de l’IronMan France en 2013. Demain, il courra les Crêtes de Spa après une demi-journée de travail à l’hôpital de Verviers où il est kiné. Pas d’heure de lever à respecter pour ma part, le site de départ n’est qu’à 15 kilomètres et j’ai toute la matinée devant moi. Je me couche donc une bouteille de Saint-Yorre (rends-moi fort) à mes côtés, mais sans trac ni culpabilité.
Samedi matin. Il fait beau quand je me lève, à 8 heures. Une banane et une bonne portion de pudding, préparé pour la circonstance, en guise de petit déjeuner. Je ne tarde pas à me rendre au Centre sportif La Fraineuse, centre névralgique de la course. Il y a déjà du monde et trouver une place de parking n’est pas si facile malgré l’heure matinale. Les trailers se sont élancés à 9 heures pour 56 km à travers tourbières et forêt. Les enfants et les participants inscrits au jogging de 8 km ne tarderont pas à les imiter sur les parcours qui leur sont réservés.
Hall des inscriptions. Je retire mon dossard, celui de Samuel et le T-shirt des Crêtes 2015. Je reconnais un modèle premier prix vendu à moins de 5 euros chez Decathlon, parrain de l’épreuve. Les organisateurs en demandent 12 euros. Jolie impression ou pas, il n’y a pas de petit profit …
Du beau monde arrive. Je croise Sabine Froment, du GaG, déjà 3 victoires sur les Crêtes à son palmarès. Un peu plus loin, je reconnais Thomas Loquet, véritable champion de ma génération. Il a remporté la plupart des courses auxquelles j’ai participé durant ma première année de jogging.
L’heure passe. Après avoir encouragé des copines qui terminent leurs 8 kilomètres, remis son dossard à Sam, c’est le moment de s’échauffer et de trouver une place derrière la ligne de départ. Toujours sans trac. C’est inhabituel mais pas désagréable. Le temps printanier du matin a laissé place à la grisaille. Nous partirons sous la pluie.
Gun. Les 4 premiers kilomètres emmènent le peloton dans les rues de Spa. Échauffement avant la première difficulté du jour, le chemin des moutons. Neuf-cent mètres à 11 % de moyenne, des passages à 20 %. C’est raide mais le plus inhabituel sur ces pourcentages, c’est la longueur du tronçon. Je ne m’excite pas et à mon rythme je rattrape quelques coureurs qui m’avaient dépassé au bas de la côte. Un ravito nous attend au « sommet ». Après avoir gagné une centaine de mètres en altitude, nous quittons définitivement la ville.
Après une courte descente caillouteuse, la route ne cesse en fait de s’élever jusqu’à la difficulté suivante, la fameuse piste de ski du Thier des Rexhons. Située peu avant le 8ème kilomètre, ce n’est pas l’épouvantail qu’on imagine. Six-cent mètres à 14 % de moyenne, elle se grimpe en réalité plus rapidement que le chemin des moutons, malgré un terrain gras.
Quatre-centre mètres après avoir basculé au haut de la piste, le chemin reprend déjà son ascension. Nous sommes sur le versant opposé au Col du Rosier, emprunté par la Doyenne cycliste Liège-Bastogne-Liège. Une fois cette côte non-répertoriée gravie, le plateau des Hautes Fagnes se profile enfin. Au 10ème kilomètre, le plus dur devrait être fait. Je choisis ce moment pour regarder jeter un œil à la montre : pile une heure. L’objectif sera atteint si je profite des 2 kilomètres à venir et de la longue descente jusqu’au 16ème kilomètre pour dérouler.
Quatorzième kilomètre et la course s’engage dans un coupe-feu bien boueux. La place manque sur les côtés, plus praticables car tapissés d’aiguilles de conifères. Je décide de descendre par le milieu de la tranchée. Splatch, une chaussure reste embourbée. Stabiliser les appuis, extirper la Brooks du sol et rechausser. Une coureuse me propose gentiment de l’aide. Ça ira, je repars après avoir tout de même perdu une bonne minute dans l’aventure.
Le tracé retrouve des sentiers plus roulants. J’accélère mais c’est le moment où mes muscles jumeaux décident de se rappeler à mon bon souvenir. Les mollets ont beaucoup travaillé et se contractent à la limite de la crampe. Je veille à me réhydrater soigneusement au ravito du 15ème kilomètre. Je prends un gel énergétique offert par l’organisation. Jusque-là, j’avais évité par crainte des crampes mais cette fois-ci, le gel semble de toute façon hors de cause. Froid, kilométrage et dénivelé, je pense tenir l’équation.
Si les contractures m’empêchent d’accélérer là où je le voudrais, elle ne me forcent heureusement pas à m’arrêter. J’arrive au pied de l’ultime difficulté du jour, la Côte de Cherville. Un kilomètre à 10 % de moyenne, les passages les plus raides entre 15 et 20 %. Des 3 ascensions du jour, c’est celle qui évoque le plus un parcours trail : étroite, sinueuse et à travers bois, on peut difficilement s’y dépasser. Résultat, je la monte très lentement, à l’allure de ceux qui me précèdent. Le sommet coïncide avec la marque des 17 km. Je regarde une deuxième fois la montre : 1h44. Terminer en moins de 2 heures est devenu difficile, mais pas encore impossible.
Je relance à du 4’30, maintiens l’illusion sur un demi-kilomètre avant d’être repris par les contractures. Pas la peine d’insister, je ne tiens pas à me blesser. Les derniers kilomètres sont les plus longs, malgré la descente. Je n’ose plus regarder la montre avant d’avoir franchi la ligne : 2h03, sans tambours ni trompettes.
Sam m’attend non loin. Je lui fais part des crampes et de ma déception à l’arrivée. Il me dit que j’ai l’air d’être arrivé il y a une demi-heure. C’est à dire au moment où lui bouclait sa course … Bon, j’ai l’air frais, c’est déjà ça …

Malgré son déguisement, le lapin m’a accompagné une bonne partie de la course – Crédit photo Alain Buyck.
J’hésite à aller prendre ma douche puis me faire masser mais c’est la cohue dans le hall. Ben oui, d’habitude je suis dans le premier quart du peloton … Des coureurs se rhabillent dans le couloir des vestiaires, il n’y a certainement plus d’eau chaude, pas la peine de s’attarder.
L’après-midi, je décide de profiter du prix préférentiel aux Thermes de Spa dont bénéficient les participants pour noyer courbatures et déception dans un bain à bulles. Un régal après une course courue en grande partie sous la pluie ou dans la brume. Voilà de quoi terminer cette escapade ardennaise sur une note positive. Au moment d’écrire ces lignes, une seule envie : y retourner pour faire mieux l’année prochaine !
Jonathan Quique ©RunningGeek.be 2015
Pour poursuivre la lecture :
5 réflexions sur “Les Crêtes de Spa”